Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

ÉPITRE. 359

A MONSEIGNEUR

LE DUC DE LONGUEVILLE'.

MoiSSEIGNEUR,

Je prends avantage de ma témérité, et quelque dé- fiance que j'aye de Clitandre, je ne puis croire qu'on s'en promette rien de mauvais, après avoir \u la har- diesse que j'ai de vous l'oJtl'rir. Il est impossible qu'on s'imagine qu'à des personnes de votre rang, et à des esprits de Texcellence du vôtre, on présente rien qui ne soit de mise, puisqu'il est tout vrai que vous avez un tel dégoût des mauvaises choses, et les savez si nettement démêler d'avec les bonnes, qu'on fait paroître plus de manque de jugement à vous les présenter qu'à les con- cevoir ^ Cette vérité est si généralement reconnue, qu'il faudroit n'être pas du monde pour ignorer que votre condition vous relève encore moins par-dessus le reste des hommes que votre esprit, et que les belles parties qui ont accompagné la splendeur de votre naissance n'ont reçu d'elle que ce qui leur étoit dû : c'est ce qui fait dire aux plus honnêtes gens de notre siècle qu'il

1. Henri II, duc de Longueville, né en iSgS, se maria à vingt et un ans à Louise (fille de Charles de Bourbon Soissons), qui mourut en 1637. Ce fut seulement en 16^2 qu'il épousa la sœur du grand Condé, dont Villefore a esquissé la vie et que M. Cousin nous a si bien fait connaître. « M. le duc de Longueville, dit Segrais, faisoit pension aux gens de lettres et particulièrement aux habiles généalo- gistes, comme à M. de Sainte-Marthe el M. du Bouchet. » {OEavres, tome II, Mémoires anecdotes, p. 53.) Il mourut à Rouen en i663. — h'Epître dédicatoire figure dans toutes les impressions antérieures à 1660: nous nous conformons au texte de l'édition de lôSa ; c'est la seule qui donne la Préface et l'Argument.

2. Var. (édit. de i644-i657): qu'à les produire.

�� �


À Monseigneur le duc de Longueville

MONSEIGNEUR,

Je prends avantage de ma témérité ; et quelque défiance que j’aie de Clitandre, je ne puis croire qu’on s’en promette rien de mauvais, après avoir vu la hardiesse que j’ai de vous l’offrir. Il est impossible qu’on s’imagine qu’à des personnes de votre rang, et à des esprits de l’excellence du vôtre, on présente rien qui ne soit de mise, puisqu’il est tout vrai que vous avez un tel dégoût des mauvaises choses, et les savez si nettement démêler d’avec les bonnes, qu’on fait paraître plus de manque de jugement à vous les présenter qu’à les concevoir. Cette vérité est si généralement reconnue, qu’il faudrait n’être pas du monde pour ignorer que votre condition vous relève encore moins par-dessus le reste des hommes que votre esprit, et que les belles parties qui ont accompagné la splendeur de votre naissance n’ont reçu d’elle que ce qui leur était dû : c’est ce qui fait dire aux plus honnêtes gens de notre