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Mes propres yeux ont vu tous ces monstres en fuite,
Et Pluton de frayeur en quitter la conduite.


LA NOURRICE.


Peut-être que chacun s’enfuyoit devant vous,
Craignant votre fureur et le poids de vos coups ;
Mais voyez si l’enfer ressemble à cette place :
Ces murs, ces bâtiments, ont-ils la même face ?
Le logis de Mélite et celui de Cliton
Ont-ils quelque rapport à celui de Pluton ?
Quoi ? n’y remarquez-vous aucune différence ?


ÉRASTE.


De vrai, ce que tu dis a beaucoup d’apparence 336.
Nourrice, prends pitié d’un esprit égaré
Qu’ont mes vives douleurs d’avec moi séparé :
Ma guérison dépend de parler à Mélite.


LA NOURRICE.


Différez pour le mieux un peu cette visite,
Tant que, maître absolu de votre jugement,
Vous soyez en état de faire un compliment.
Votre teint et vos yeux n’ont rien d’un homme sage ;
Donnez-vous le loisir de changer de visage 337 :
Un moment de repos que vous prendrez chez vous…


336. Var. [De vrai, ce que tu dis a beaucoup d’apparence.]
Depuis ce que j’ai su de Mélite et Tirsis,
Je sens que tout à coup mes regrets adoucis
Laissent en liberté les ressorts de mon âme ;
Ma raison par ta bouche a reçu son dictame.
Nourrice, prends le soin d’un esprit égaré,
Qui s’est d’avecque moi si longtemps séparé :
[Ma guérison dépend de parler à Mélite.] (1633-57)

337. Var. [Donnez-vous le loisir de changer de visage ;]
Nous pourvoirons après au reste en sa saison.
ér. Viens donc m’accompagner jusques en ma maison ;
Car si je te perdois un seul moment de vue,
Ma raison, aussitôt de guide dépourvue,
M’échapperoil encor. la nourr. Allons, je ne veux pas. (1633-57)