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Je ne sais qui des trois doit rougir davantage ;
Car vous nous apprenez qu’elle est une volage,
Son amant un parjure, et moi sans jugement,
De n’avoir rien prévu de leur déguisement.
Mais il le falloit bien, que cette âme infidèle,
Changeant d’affection, prît un traître comme elle,
Et que le digne amant qu’elle a su rechercher
À sa déloyauté n’eût rien à reprocher.
Cependant j’en croyois cette fausse apparence
Dont elle repaissoit ma frivole espérance ;
J’en croyois ses regards, qui tous remplis d’amour,
Étoient de la partie en un si lâche tour.
Ô ciel ! vit-on jamais tant de supercherie,
Que tout l’extérieur ne fût que tromperie ?
Non, non, il n’en est rien : une telle beauté
Ne fut jamais sujette à la déloyauté.
Foibles et seuls témoins du malheur qui me touche,



Ce lâche naturel qu’elle fait reconnoître
Ne t’aimera pas moins étant poltron que traître.
Traître et poltron ! voilà les belles qualités
Qui retiennent les sens de Mélite enchantés.
Aussi le falloit-il que cette âme infidèle,
[Changeant d’affection, prît un traître comme elle,]
Et la jeune rusée a bien su rechercher aa
Un qui n’eût sur ce point rien à lui reprocher,
Cependant que, leurré d’une fausse apparence,
Je repaissois de vent ma frivole espérance.
Mais je le méritois, et ma facilité
Tentoit trop puissamment son infidélité ab.
Je croyois à ses yeux, à sa mine embrasée ac,
À ces petits larcins pris d’une force aisée.
Hélas ! et se peut-il que ces marques d’amour
Fussent de la partie en un si lâche tour ?
Auroit-on jamais vu tant de supercherie.
Que tout l’extérieur ne fût que piperie ?
[Non, non, il n’en est rien : une telle beauté.] (1633-57)

aa. Et cette humeur légère a bien su rechercher. (1644-57)

ab. Ces quatre vers : « Cependant que, leurré, etc., » ne sont que dans l’édition de 1633.

ac. Cependant je croyois à sa mine embrasée. (1644-57)