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Aux légitimes vœux de tant de gens d’honneur,
Et d’ailleurs si facile à ceux d’un suborneur ?


MÉLITE.


Ce n’est pas contre lui qu’il faut en ma présence
Lâcher les traits jaloux de votre médisance.
Adieu : souvenez-vous que ces mots insensés
L’avanceront chez moi plus que vous ne pensez.


SCÈNE III.


ÉRASTE.



C’est là donc ce qu’enfin me gardoit ton caprice 115 ?
C’est ce que j’ai gagné par deux ans de service ?
C’est ainsi que mon feu s’étant trop abaissé
D’un outrageux mépris se voit récompensé ?
Tu m’oses préférer un traître qui te flatte 116 ;


115. Var. C’est là donc ce qu’enfin me gardoit ta malice. (1633-57)
Var. C’est là donc ce qu’enfin me gardoit mon caprice. (1660)

116. Var. Tu me préfères donc un traître qui te flatte ?
Inconstante beauté, lâche, perfide, ingrate,
De qui le choix brutal se porte au plus mal fait ;
Tu l’estimes à faux, tu verras à l’effet.
Par le peu de rapport que nous avons ensemble,
Qu’un honnête homme et lui n’ont rien qui se ressemble
Que dis-je, tu verras ? Il vaut autant que mort :
Ma valeur, mon dépit, ma flamme en sont d’accord.
Il suffit ; les destins bandés à me déplaire
Ne l’arracheroient pas à ma juste colère.
Tu démordras, parjure, et ta déloyauté
Maudira mille fois sa fatale beauté.
Si tu peux te résoudre à mourir en brave homme,
Dès demain un cartel l’heure et le lieu te nomme.
Insensé que je suis ! hélas, où me réduit
Ce mouvement bouillant dont l’ardeur me séduit ?
Quel transport déréglé ! Quelle étrange échappée !
Avec un affronteur mesurer mon épée !
C’est bien contre un brigand qu’il me faut hasarder
Contre un traître qu’à peine on devroit regarder !