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CLORIS.


Et moi, je suis ravie, après ce peu d’alarme.
Qu’ainsi tes sens trompés te puissent obliger
À chérir ta Cloris, et jamais ne changer.


PHILANDRE.


Ta beauté te répond de ma persévérance,
Et ma foi qui t’en donne une entière assurance.


CLORIS.


Voilà fort doucement dire que sans ta foi
Ma beauté ne pourroit te conserver à moi.


PHILANDRE.


Je traiterois trop mal une telle maîtresse
De l’aimer seulement pour tenir ma promesse :
Ma passion en est la cause, et non l’effet ;
Outre que tu n’as rien qui ne soit si parfait,
Qu’on ne peut te servir sans voir sur ton visage
De quoi rendre constant l’esprit le plus volage 83.


CLORIS.


Ne m’en conte point tant de ma perfection 84 :


83. Var. De quoi rendre constant l’homme le plus volage. (1633-68)

84. Var. Tu m’en vas tant conter de ma perfection,
Qu’à la fin j’en aurai trop de présomption.
phil. S’il est permis d’en prendre à l’égal du mérite,
Tu n’en saurois avoir qui ne soit trop petite.
clor. Mon mérite est si peu… phil. Tout beau, mon cher souci ;
C’est me désobliger que de parler ainsi f.
Nous devons vivre ensemble avec plus de franchise :
Ce refus obstiné d’une louange acquise
M’accuseroit enfin de peu de jugement,
D’avoir tant pris de peine et souffert de tourment,
Pour qui ne valoit pas l’offre de mon service g.
clor. À travers tes discours si remplis d’artifice
Je découvre le but de ton intention :
C’est que, te défiant de mon affection,
Tu la veux acquérir par une flatterie.
Philandre, ces propos sentent la moquerie, (1633-57)

f. Vois que c’est m’offenser que de parler ainsi. (1648)

g. Pour qui ne vaudroit pas l’offre de mon service. (1648)