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Que tu seras forcé toi-même à reconnoître 54
Que si je suis un fou, j’ai bien raison de l’être.


TIRCIS.


Allons, et tu verras que toute sa beauté
Ne saura me tourner contre la vérité 55.


SCÈNE II.


MÉLITE, ÉRASTE, TIRCIS.



ÉRASTE.


De deux amis, Madame, apaisez la querelle 56.
Un esclave d’Amour le défend d’un rebelle,
Si toutefois un cœur qui n’a jamais aimé,
Fier et vain qu’il en est, peut être ainsi nommé.
Comme dès le moment que je vous ai servie
J’ai cru qu’il étoit seul la véritable vie,
Il n’est pas merveilleux que ce peu de rapport
Entre nos deux esprits sème quelque discord 57.
Je me suis donc piqué contre sa médisance,
Avec tant de malheur ou tant d’insuffisance.
Que des droits si sacrés et si pleins d’équité 58.


54. Var. Que tu seras contraint d’avouer à ta honte,
Que si je suis un fou, je le suis à bon conte e. (1633)

55. Var. Ne me saura tourner contre la vérité. (1633-57)

56. Var. Au péril de vous faire une histoire importune.
Je viens vous raconter ma mauvaise fortune :
Ce jeune cavalier, autant qu’il m’est ami,
Autant est-il d’Amour implacable ennemi,
Et pour moi, qui depuis que je vous ai servie
Ne l’ai pas moins prisé qu’une seconde vie,
Jugez si nos esprits, se rapportant si peu,
Pouvoient tomber d’accord et parler de son feu.
[Je me suis donc piqué contre sa médisance.] (1633-57)

57. Var. Entre nos deux esprits ait semé le discord. (i660-64)

58. Var. Que les droits de l’amour, bien que pleins d’équité. (1633-57)

e. Conte, compte. C’est l’orthographe constante de Corneille (voyez p. 9, note 1). Nous la conservons à la rime.