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Je règle mes désirs suivant mon intérêt.
Si Doris me vouloit, toute laide qu’elle est,
Je l’estimerois plus qu’Aminte et qu’Hippolyte ;
Son revenu chez moi tiendrait lieu de mérite :
C’est comme il faut aimer. L’abondance des biens
Pour l’amour conjugal a de puissants liens :
La beauté, les attraits, l’esprit, la bonne mine 48,
Échauffent bien le cœur, mais non pas la cuisine ;
Et l’hymen qui succède à ces folles amours,
Après quelques douceurs, a bien de mauvais jours 49.
Une amitié si longue est fort mal assurée
Dessus des fondements de si peu de durée 50.
L’argent dans le ménage a certaine splendeur
Qui donne un teint d’éclat à la même laideur 51 ;
Et tu ne peux trouver de si douces caresses
Dont le goût dure autant que celui des richesses.


ÉRASTE 52.


Auprès de ce bel œil qui tient mes sens ravis,
À peine pourrois-tu conserver ton avis.


TIRCIS.


La raison en tous lieux est également forte


ÉRASTE.


L’essai n’en coûte rien : Mélite est à sa porte ;
Allons, et tu verras dans ses aimables traits
Tant de charmants appas, tant de brillants attraits 53,


48. Var. La beauté, les attraits, le port, la bonne mine,
Échauffent bien les draps, mais non pas la cuisine. (1633).

49. Var. Pour quelques bonnes nuits, a bien de mauvais jours. (1633-57)

50. Var. [Dessus des fondements de si peu de durée.]
C’est assez qu’une femme ait un peu d’entregent.
La laideur est trop belle étant teinte en argent. (1633)

51. L’or même à la laideur donne un teint de beauté,
a dit plus tard Boileau dans sa VIIIe satire.

52. En marge, dans l’édition de 1633 : Mélite paroît.

53. Var. Tant de charmants appas, tant de divins attraits. (1633-57)