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96 DISCOURS

ce cas un conseil que peut-être il trouveroit salutaire : c'est de ne marquer aucun temps prétîx dans son poëme, ni aucun lieu déterminé où il pose ses acteurs. L'imagi- nation de l'auditeur auroit plus de liberté de se laisser aller au courant de Faction, si elle n'étoit point fixée par ces marques ; et ' il pourroit ne s'apercevoir pas de cette précipitation, si elles ne l'en faisoient souvenir, et n'y appliquoient son esprit malgré lui. Je me suis toujours repenti d'avoir fait dire au Roi, dans le Cid, qu'il vouloit que Rodrigue se délassât une heure ou deux après la dé- faite des Maures avant que de combattre don Sanche ; je l'avois fait pour montrer que la pièce étoit dans les vingt- quatre heures ; et cela n'a servi qu'à ayertir les specta- teurs de la contrainte avec laquelle je l'y ai réduite. Si j'avois fait résoudre ce combat sans en désigner l'heure, peut-être n'y auroit-on pas pris garde.

Je ne pense pas que dans la comédie le poëte ait cette liberté de presser son action, par la nécessité de la ré- duire dans l'unité de jour. Aristole veut que toutes les actions qu'il y fait entrer soient vraisemblables, et n'a- joute point ce mot : ou nécessaires, comme pour la tra- gédie. Aussi la différence est assez grande entre les actions de l'une et celles de l'autre. Celles de la comédie partent de personnes communes, et ne consistent qu'en intriques d'amour et en fourberies, qui se développent si aisément en un jour, qu'assez souvent, chez Plante et chez ïérence, le temps de leur durée excède à peine celui de leur représentation ; mais dans la tragédie les atlaires publiques sont mêlées d'ordinaire avec les inté- rêts particuliers des personnes illustres qu'on y fait pa- roître ; il y entre des batailles, des prises de villes, de grands périls, des révolutions d'Etats; et luul cela va

1. Le mol el no se trouve pas dans IV'dilion de lOOo.

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