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go DISCOURS

étoit dès le commencement du monde ; nous devons pré- sumer qu'il n'y a point eu de changement, à moins que l'histoire le marque ; et la géographie nous en apprend tous les noms anciens et modernes. Ainsi un homme se- roit ridicule d'imaginer que du temps d'Abraham Paris fut au pied des Alpes, ou que la Seine traversât l'Es- pagne, et de mêler de pareilles grotesques dans une pièce d'invention. Mais l'histoire est des choses qui passent, et qui succédant les unes aux autres, n'ont que chacune un moment pour leur durée, dont il en échappe beaucoup à la connoissance de ceux qui l'écrivent. Aussi n'en peut- on montrer aucune qui contienne tout ce qui s'est passé dans les lieux dont elle parle, ni tout ce qu'ont fait ceux dont elle décrit la vie. Je n'en excepte pas même les Coin- mentaires de César, qui écrivoit sa propre histoire, et de- voit la savoir toute entière. Nous savons quels pays ar- rosoit le Rhône et la Seine avant qu'il vînt dans les Gaules ; mais nous ne savons que fort peu de chose, et peut-être rien du tout, de ce qui s'y est passé avant sa venue. Ainsi nous pouvons bien y placer des actions que nous feignons arrivées avant ce temps-là, mais non pas, sous ce prétexte de fiction poétique et d'éloignement des temps, y changer la distance naturelle d'un lieu à l'autre. C'est de cette façon que Barclay en a usé dans son Arge- nis\ où il ne nomme aucune ville ni fleuve de Sicile, ni de nos provinces, que par des noms véritables, bien que ceux de toutes les personnes qu'il y met sur le tapis soient entièrement de son invention aussi bien que leurs actions.

I. .lean Barclay, né à Pont-à-Mousson en iSSa, écrivit à Rome son roman allégorique intitulé Anjenis, dans lequel il raconte sous des noms supposés les intrigues politiques de la cour de France. Il le dédia à Louis XIII le !«' juillet 1621, et mourut le 12 août suivant.

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