Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/177

Cette page n’a pas encore été corrigée

DU POËME DRAMATIQUE. ^9

des miracles tous les jours ; et quoique son auteur' eût bien mérité ce beau succès par le grand effort d'esprit qu'il avoit fait à peindre les désespoirs de ce monarque, peut-être que l'excellence de Facteur qui en soutenoit le personnage, y contribuoit beaucoup^

Voilà ce qui m'est venu en pensée touchant le but, les utilités, et les parties du poëme dramatique. Quelques personnes de condition, qui peuvent tout sur moi, ont voulu que je donnasse mes sentiments au public sur les règles d'un art qu'il y a si longtemps que je pratique assez heureusement. Gomme ce recueil est séparé en trois vo-

��I. Var. (édit. de 1 660-1 66A) : Et quoique feu M. Tristan (voyez la note suivante). — Tristan était mort en i655.

a. Cet acteur était Mondory. « II n'étoit ni grand ni bien fait, dit Tallemant ; cependant il se mettoit bien, il vouloit sortir de tout à son honneur, et pour faire voir jusqu'où alloit son art, il pria des gens de bon sens, et qui s'y connoissoient, de voir quatre fois de suite \a Mariamne. Ils y remarqutrent toujours quelque chose de nou- veau ; aussi pour dire le vrai, c'étoit son chef-d'œuvre, et il étoit plus propre à faire un héros qu'un amoureux. Ce personnage d'Hérode lui coûta bon ; car comme il avoit l'imagination forte, dans le mo- ment il croyoit être quasi ce qu'il représentoit, et il lui tomba, en jouant ce rôle, une apoplexie sur la langue qui l'a empêché déjouer depuis. Le cardinal de Richelieu l'y obligea une fois, mais il ne put achever. » (^Historiettes, tome VII, p. 17/i.)

Les contemporains ne tarissent pas sur le talent de Mondory dans ce rôle, ni sur l'accident qui vint le frapper au moment où il le rem- plissait. Le P. Rapin, après avoir parlé, dans ses Réflexions sur la Poé- tique (11*= partie, chap. xis) , de la singulière folie que causa aux Abdé- ritains une représentation de V Andromède d'Eurij^ide, ajoute ; « On a vu, même dans ces derniers temps, quelque crayon grossier de ces sortes d'impressions que faisoit autrefois la tragédie. Quand Mondory jouoitla Mariamne de Tristan au Marais, le peuple n'en sortoit jamais que rêveur et pensif, faisant réflexion à ce qu'il venoit de voir et pénétré à même temps d'un grand plaisir. » Dans le Parnasse réformé de Guéret, Montfleury rencontrant Tristan l'apostrophe ainsi : « Vous voudriez, je pense, qu'on ne jouât jamais que Mariamne et qu'il mou- rût toutes les semaines un Mondory à votre service. »

Corneille, i /è

�� �