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DU POËME DRAMATIQUE. /i5

grossièrement, en introduisant, tantôt un dieu dans une machine, par qui les spectateurs recevoient cet éclaircis- sement, et tantôt un de ses principaux personnages qui les en instruisoit lui-même, comme dans son Iphi<jémc, et dans son Hélène, oh ces deux héroïnes racontent d'a- bord toute leur histoire, et l'apprennent à l'auditeur, sans avoir aucun acteur avec elles à qui adresser leur discours.

Ce n'est pas que je veuille dire que quand un acteur parle seul, il ne puisse instruire l'auditeur de beaucoup de choses ; mais il faut que ce soit par les sentiments d'une passion qui l'agite, et non pas par une simple nar- ration. Le monologue d'Emilie, qui ouvre le théâtre dans Cinna, fait assez connoître qu'Auguste a fait mourir son père, et que pour venger sa mort elle engage son amant à conspirer contre lui ; mais c'est par le trouble et la crainte que le péril où elle expose Cinna jette dans son âme, que nous en avons la connoissance. Surtout le poêle se doit souvenir que quand un acteur est seul sur le théâtre, il est présumé ne faire que s'entretenir en lui-même, et ne parle qu'afin que le spectateur sache de quoi il s'entretient, et à quoi il pense. Ainsi ce seroit une faute insupportable si un autre acteur apprenoit par là ses secrets. On excuse cela dans une passion si vio- lente, qu'elle force d'éclater, bien qu'on n'aye personne à qui la faire entendre, et je ne le voudrois pas condamner en un autre, mais j'aurois de la peine à me le souffrir.

Plante a cru remédier à ce désordre d'Euripide en in- troduisant un prologue détaché, qui se récitoit par un personnage qui n'avoit quelquefois autre nom que celui de Prologue, et n'étoit point du tout du corps de la pièce. Aussi ne parloit-il qu'aux spectateurs pour les ins- struire de ce qui avoit précédé, et amener le sujet jus- ques au premier acte où commençoit l'action.

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