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36 DISCOURS

de cette première condition, à cette élévation ou perfec- tion de caractère dont j'ai parlé, qui peut convenir à tous ceux qui paroissent sur la scène ; et je ne pourrois suivre cette dernière interprétation sans condamner le Menteur, dont l'habitude est vicieuse, bien qu'il tienne le premier rang dans la comédie qui porte ce titre.

En second lieu, les mœurs doivent être convenables. Cette condition est plus aisée à entendre que la première. Le poëte doit considérer l'âge, la dignité, la naissance, l'emploi et le pays de ceux qu'il introduit : il faut qu'il sache ce qu'on doit à sa patrie, à ses parents, à ses amis, à son roi ; quel est l'office d'un magistrat, ou d'un gé- néral d'armée^, afin qu'il puisse y conformer ceux qu'il veut faire aimer aux spectateurs, et en éloigner ceux qu'il leur veut faire haïr ; car c'est une maxime infaillible que, pour bien réussir, il faut intéresser l'auditoire pour les premiers acteurs. Il est bon de remarquer encore que ce qu'Horace dit des mœurs de chaque âge n'est pas une règle dont on ne se puisse dispenser sans scrupule. Il fait les jeunes gens prodigues et les vieillards avares : le con- traire arrive tous les jours sans merveille ; mais il ne faut pas que l'un agisse à la manière de l'autre, bien qu'il aye quelquefois des habitudes et des passions qui convien- droient mieux à l'autre. C'est le propre d'un jeune homme d'être amoureux, et non pas d'un vieillard ; cela n'em- pêche pas qu'un vieillard ne le devienne : les exemples en sont assez souvent devant nos yeux ; mais il passeroit pour fou s'il vouloil faire l'amour en jeune homme, et s'il prétendoit se faire aimer par les bonnes qualités de sa personne. Il peut espérer qu'on l'écoutera, mais cette espérance doit être fondée sur son bien, ou sur sa qua- lité, et non pas sur ses mérites ; et ses prétentions ne

I, Voyez Horace, Art poétique, v. 3i2 cl suivants.

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