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DU POËME DRAMATIQUE. 33

voir qu'Homère a donné aux emportements de la colère d'Achille cette bonté nécessaire aux mœurs, que je tais consister en cette élévation de leur caractère, et dont Ro- bortel* parle ainsi : Unumquodque genm per se supremos quosdam habet decoris yradus, et ahsoliitissimam recipit formam, non tamen degenerans a sua natura et effigie pristina^.

Ce texte d'Aristote que je viens de citer peut faire de la peine, en ce qu'il porte que les mœurs des hommes co- lères ou fainéants doivent être peintes dans un tel degré d'excellence, qu'il s'y rencontre un haut exemplaire d'équité ou de dureté. Il y a du rapport de la dureté à la colère ; et c'est ce qu'attribue Horace à celle d'Achille en ce vers :

.... Iracandus, inexorabilis, acer^.

Mais il n'y en a point de l'équité à la fainéantise, et je ne puis voir quelle part elle peut avoir en son caractère. C'est ce qui me fait douter si le mot grec paOû[j.C'jç a été

"O[xrjpo;. (Aristole, Poétique, chap. xv, 8.) — La plupart des édi- tions, au lieu de àyaOôv, donnent 'AyaOïuv, leçon qui obligerait à mo- difier la traduction de la manière suivante : et C'est ainsi qu'Agathon et Homère ont représenté Achille. » La variante iyaBô^j est dans l'édition de Pacius (voyez ci-après, p. 34, note i) ; elle y est ren- due dans la version latine par forlem, non par bonuin. Deux autres éditions, assez récentes encore au temps où Corneille écrivait, celle de Paccius (1597, réimprimée en 1606), et celle de G. Duval (1619, 1639, etc.), ont 'AyaOojv dans le texte grec, mais toutes deux boiium dans leur traduction latine, qui est celle d'Ant. Riccoboni.

1. Fr. Robortello, jjhilologue italien du seizième siècle, à qui l'on doit une édition de la Poétique d'Aristote accompagnée de plusieurs dissertations. Florence, i548, in-folio.

2. « Chaque genre a par lui-même certains degrés suprêmes de beauté, et est susceptible d'une forme très-parfaite, sans dégénérer pour cela de sa nature et de sa figure première. »

3. Horace, Art poétique, v. 121.

Corneille, i 3

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