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DU POËME DRAMATIQUE. 17

ceux qui pensent ennoblir l'art, en lui donnant pour objet de profiter aussi bien que de plaire. Cette dispute même seroit très-inutile, puisqu'il est impossible de plaire selon les règles, qu'il ne s'y rencontre beaucoup d'utilité. Il est vrai qu'Aristote, dans tout son Traité de la Poétique, n'a jamais employé ce mot une seule fois; qu'il attribue l'ori- gine de la poésie au plaisir que nous prenons à voirimiter les actions des hommes' ; qu'il préfère la partie du poëme qui regarde le sujet à celle qui regarde les mœurs, parce que cette première contient ce qui agrée le plus, comme les agnitions et les péripéties-; qu'il fait entrer dans la définition de la tragédie l'agrément du discours dont elle est composée^ ; et qu'il l'estime enfin plus que le poëme épique, en ce qu'elle a de plus* la décoration extérieure et la musique, qui délectent puissamment, et qu'étant plus courte et moins diffuse, le plaisir qu'on y prend est plus parfait^; mais il n'est pas moins vrai quHorace nous apprend que nous ne saurions plaire à tout le monde, si nous n'y mêlons l'utile, et que les gens graves et sérieux, les vieillards, les amateurs de la vertu, s'y ennuieront, s'ils n'y trouvent rien à profiter :

Centuriœ seniorwn agitant expert ia f rugis ^' .

Ainsi, quoique l'utile n'y entre que sous la forme du dé- lectable, il ne laisse pas d'y être nécessaire, et il vaut mieux examiner de quelle façon il y peut trouver sa place, que d'agiter, comme je l'ai déjà dit, une question inutile touchant l'utilité de cette sorte de poëmes. J'estime donc qu'il s'y en peut rencontrer de quatre sortes.

1. Voyez Aristote, Poétique, chap. iv, i et 2.

2. Ibid., chap. vi, i3. — 3. Ibid., chap. vi, 2.

4. Var. (édit de 1660): de plus que lui,

5. Aristote, Poétique, chap. xxvi, 8 et 9.

6. Horace, Art poétique. \. 34 1.

COKNEILLE. I 2

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