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Prends donc, prends pour toi-même un mépris véritable
qui te réduise au dernier rang,
si tu veux mettre à bas ce pouvoir redoutable
qu’ont sur toi la chair et le sang.
Mais tu t’aimes encore ; et ton âme obstinée
dans cette amour désordonnée
ne peut y renoncer sans trouble et sans ennui :
de là vient que ton cœur s’épouvante et s’indigne ;
de là vient qu’il frémit, avant qu’il se résigne
pleinement au vouloir d’autrui.

Que fais-tu de si grand, toi qui n’es que poussière,
ou pour mieux dire, qui n’es rien,
quand tu soumets pour moi ton âme un peu moins fière
à quelque autre vouloir qu’au tien ?
Moi qui suis tout-puissant, moi qui d’une parole
ai bâti l’un et l’autre pôle,
et tiré du néant tout ce qui s’offre aux yeux,
moi dont tout l’univers est l’ouvrage et le temple,
pour me soumettre à l’homme et te donner l’exemple,
je suis bien descendu des cieux.

De ces palais brillants où ma gloire ineffable
remplit tout de mon seul objet,
je me suis ravalé jusqu’au rang d’un coupable,
jusqu’à l’ordre le plus abjet.