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c’est de sa pleine grâce un sacré mouvement
qui sur la chair fragile agit si puissamment,
que tout l’homme lui cède et se fait violence,
et que ce qu’il abhorre et que ce qu’il refuit,
sitôt que cette grâce entre dans la balance,
devient tout ce qu’il aime et tout ce qu’il poursuit.

Ce n’est pas de nos cœurs la pente naturelle
de porter une croix, de se plaire à pâtir,
de châtier le corps pour mieux assujettir
sous les lois de l’esprit ce dangereux rebelle :
il n’est pas naturel de craindre et fuir l’honneur,
de tenir le mépris à souverain bonheur,
de n’avoir pour soi-même aucune propre estime,
de supporter la peine avec tranquillité,
et d’être des malheurs la butte et la victime,
sans faire aucun souhait pour la prospérité.

Tu ne peux rien, mortel, de toutes ces merveilles,
quand ce n’est que sur toi que tu jettes les yeux ;
mais quand ta confiance est toute entière aux cieux,
elle en reçoit pour toi des forces sans pareilles :
alors victorieux de tous tes ennemis,
la chair sous toi domptée et le monde soumis,
ton âme de tes sens ne se voit plus captive ;