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première jeunesse, fait une pièce un peu licencieuse intitulée Occasion perdue recouvrée, l’avoit toujours tenue fort secrète ; mais qu’en 1650, plus ou moins, diverses copies en avant couru, M. le chancelier Seguier, protecteur alors de l’Académie, surpris d’apprendre que ces stances peu édifiantes, dont la première commence par :

Un jour le malheureux Lysandre,

étoient de Corneille, le manda, et après lui avoir fait une douce réprimande, lui dit qu’il le vouloit mener à confesse … » Mais, suivant toute apparence, ces circonstances accessoires ne se trouvaient point dans le manuscrit original ; il aura paru naturel à la Monnoye, en attribuant une telle pièce de vers à Corneille, de la donner comme un ouvrage de sa première jeunesse ; du moment où il voulait indiquer l’époque où ce morceau avait commencé à se répandre, il ne pouvait le transporter au delà de 1650, sans quoi la pénitence eût été antérieure à la divulgation du péché. Enfin le chancelier Seguier, réprimandant le grand Corneille, devait évidemment le faire avec douceur. On voit que le récit de la Monnoye, connue au reste il en convient lui-même, n’a d’autre autorité en sa faveur que le manuscrit de Charpentier, et que les circonstances nouvelles qu’on y remarque ne proviennent que de légères variantes de rédaction, et d’inductions toutes simples, qui ne supposent en aucune manière l’existence de quelque autre témoignage.

Cette anecdote invraisemblable fut niée dans le compte rendu du Carpentariana inséré dans les Mémoires de Trévoux, au mois de novembre 1724. « Si M. Charpentier, y est-il dit, eût bien voulu se servir de sa critique et de son discernement, auroit-il jamais attribué à M, Corneille l’Occasion perdue et recouvrée, pièce que l’on sait avoir été composée par un poëte de Caen, dont le génie, le style et les mœurs étoient infiniment différents de ceux du grand Corneille. » Deux mois après, le