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Malgré cette puissance et si vaste et si grande,
Vous pouvez déjà voir comme elle m’appréhende,
Combien en me perdant elle espère gagner,
Parce qu’elle prévoit que je saurai régner.

Prusias. Je règne donc, ingrat ! puisque tu me l’ordonnes.
Choisis, ou Laodice, ou mes quatre couronnes ;
Ton roi fait ce partage entre ton frère et toi ;
Je ne suis plus ton père, obéis à ton roi.

Nicomède. Si vous étiez aussi le roi de Laodice
Pour l’offrir à mon choix avec quelque justice,
Je vous demanderais le loisir d’y penser ;
Mais enfin, pour vous plaire et ne pas l’offenser,
J’obéirai, seigneur, sans répliques frivoles,
A vos intentions, et non à vos paroles.
A ce frère si cher transportez tous mes droits,
Et laissez Laodice en liberté du choix.
Voilà quel est le mien.

Prusias. Quelle bassesse d’âme !
Quelle fureur t’aveugle en faveur d’une femme !
Tu la préfères, lâche ! à ces prix glorieux
Que ta valeur unit au bien de tes aïeux !
Après cette infamie es-tu digne de vivre ?

Nicomède. Je crois que votre exemple est glorieux à suivre.
Ne préférez-vous pas une femme à ce fils
Par qui tous ces Etats aux vôtres sont unis ?

Prusias. Me vois-tu renoncer pour elle au diadème ?

Nicomède.