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Martian

J’ai fait ce que j’ai dû. Vivre sous ta puissance,
C’eût été démentir mon nom et ma naissance,
Et ne point écouter le sang de mes parents,
Qui ne crie en mon cœur que la mort des tyrans.
Quiconque pour l’empire eut la gloire de naître
Renonce à cet honneur s’il peut souffrir un maître :
Hors le trône ou la mort, il doit tout dédaigner ;
C’est un lâche, s’il n’ose ou se perdre ou régner.
J’entends donc mon arrêt sans qu’on me le prononce.
Héraclius mourra comme a vécu Léonce,
Bon sujet, meilleur prince, et ma vie et ma mort
Rempliront dignement et l’un et l’autre sort.
La mort n’a rien d’affreux pour une âme bien née ;
À mes côtés pour toi je l’ai cent fois traînée,
Et mon dernier exploit contre tes ennemis
Fut d’arrêter son bras qui tombait sur ton fils.

Phocas

Tu prends pour me toucher un mauvais artifice ;
Héraclius n’eut point de part à ce service ;
J’en ai payé Léonce, à qui seul était dû
L’inestimable honneur de me l’avoir rendu.
Mais, sous des noms divers à soi-même contraire,
Qui conserva le fils attente sur le père,
Et se désavouant d’un aveugle secours,
Sitôt qu’il se connaît il en veut à mes jours.
Je te devais sa vie, et je me dois justice.
Léonce est effacé par le fils de Maurice.
Contre un tel attentat, rien n’est à balancer,
Et je saurai punir comme récompenser.