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Quand il se prévaudra de ce nom déjà pris
Pour me joindre au tyran dont je passe pour fils.

Léontine

Sans vous donner pour chef à cette populace,
Je romprai bien encor ce coup, s’il vous menace.
Mais gardons jusqu’au bout ce secret important ;
Fiez-vous plus à moi qu’à ce peuple inconstant :
Ce que j’ai fait pour vous depuis votre naissance
Semble digne, Seigneur, de cette confiance.
Je ne laisserai point mon ouvrage imparfait,
Et bientôt mes desseins auront leur plein effet.
Je punirai Phocas, je vengerai Maurice,
Mais aucun n’aura part à ce grand sacrifice :
J’en veux toute la gloire, et vous me la devez ;
Vous régnerez par moi, si par moi vous vivez.
Laissez entre mes mains mûrir vos destinées,
Et ne hasardez point le fruit de vingt années.

Eudoxe

Seigneur, si votre amour peut écouter mes pleurs,
Ne vous exposez point au dernier des malheurs.
La mort de ce tyran, quoique trop légitime,
Aura dedans vos mains l’image d’un grand crime :
Le peuple pour miracle osera maintenir
Que le ciel par son fils l’aura voulu punir,
Et sa haine obstinée après cette chimère
Vous croira parricide en vengeant votre père ;
La vérité n’aura ni le nom ni l’effet
Que d’un adroit mensonge à couvrir ce forfait,
Et d’une telle erreur l’ombre sera trop noire
Pour ne pas obscurcir l’éclat de votre gloire.
Je sais bien que l’ardeur de venger vos parents…

Héraclius

Vous en êtes aussi, Madame, et je me rends.
Je n’examine rien, et n’ai pas la puissance