Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous craigniez ma clémence ! ah ! n’ayez plus ce soin ;
Souhaitez-la plutôt, vous en avez besoin.
Si je n’avois égard qu’aux lois de la justice[1],
930Je m’apaiserois Rome avec votre supplice,
Sans que ni vos respects, ni votre repentir,
Ni votre dignité vous pussent garantir[2] ;
Votre trône lui-même en seroit le théâtre ;
Mais voulant épargner le sang de Cléopatre,
935J’impute à vos flatteurs toute la trahison,
Et je veux voir comment vous m’en ferez raison.
Suivant les sentiments dont vous serez capable,
Je saurai vous tenir innocent ou coupable.
Cependant à Pompée élevez des autels :
940Rendez-lui les honneurs qu’on rend aux immortels ;
Par un prompt sacrifice expiez tous vos crimes ;
Et surtout pensez bien au choix de vos victimes.
Allez y donner ordre, et me laissez ici
Entretenir les miens sur quelque autre souci.


Scène III.

CÉSAR, ANTOINE, LÉPIDE.
CÉSAR.

945Antoine, avez-vous vu cette reine adorable ?

ANTOINE.

Oui, Seigneur, je l’ai vue : elle est incomparable[3] ;
Le ciel n’a point encore, par de si doux accords,
Uni tant de vertus aux grâces d’un beau corps.
Une majesté douce épand sur son visage

  1. En marge, dans les éditions de 1644 : Antoine sort sur le théâtre.
  2. Var. Ni votre dignité vous en pût garantir. (1644-56)
  3. Var. Je l’ai vue, ô César, elle est incomparable. (1644-56)