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cour. Vraiment, il ne trouverait là personne pour lui enseigner à mentir ! Sachez bien qu’à la cour, si fort que soit en ce genre don Garcia, il trouvera des gens qui lui rendront chaque jour mille points en fait de mensonges. Quand on voit ici tel homme occupant un poste élevé, mentir en des affaires où il y va pour ses dupes de leur fortune et de leur honneur, combien un tel méfait n’est-il pas plus grave de la part de celui qui est offert à tout le royaume pour miroir et pour modèle… Mais quittons ce sujet… je me laisse aller à de médisants propos, etc.[1]. »

V.

Dans une de ses notes sur le Menteur (acte II, scène v), Voltaire mentionne comme étant une imitation de la comédie de Corneille,

  1. À l’occasion de nos impartiales analyses, nous devons ajouter un mot sur une Histoire de la littérature dramatique des Espagnols, écrite en allemand, ouvrage très-utile et très-bien fait d’ailleurs, mais où sont prononcées contre le Menteur et le Cid de Corneille des censures fort injustes, d’un esprit exclusif, et qui supposent une étude trop incomplète. Voyez Geschichte der dramatischen Literatur und Kunst in Spanien, von Ad. Friedr. von Schack, tome II, p. 430 et p. 625.

    Le tome III du même ouvrage, que nous regrettons d’avoir lu trop tard, présente, au détriment de Corneille, d’autres injustices qui, ajoutées aux précédentes, feraient croire, tant elles marquent d’inattention et d’arbitraire, à une aveugle prévention, indigne d’un tel critique. L’une de ces erreurs (p. 373) consiste à supposer que le Cid est une imitation combinée ou compilation des deux modèles fournis concurremment à Corneille par Castro et par Diamante, erreur d’autant plus étrange qu’elle est avancée à titre de rectification d’un jugement tout contraire exprimé au tome II. En se rétractant ainsi, sur la foi d’un certain sentiment de l’originalité espagnole, singulièrement déçu cette fois, M. de Schack oublie de réfuter la preuve péremptoire, la preuve chronologique, qu’il avait si justement invoquée lui-même. Il se laisse prendre au piège d’un petit article inséré par Voltaire au tome II de la Gazette littéraire de l’abbé Arnaud, et montrant très-peu de confiance envers la critique de Voltaire, il se donne pour convaincu par celle de l’abbé Arnaud, qui n’est autre que Voltaire lui-même dans l’article en question. Mais, pour en finir avec Diamante, nous avons nous-même à rectifier la supposition que nous avons faite au tome III, p. 238, que sa pièce n’avait été imprimée qu’une fois au dix-septième siècle, en 1658-1659. Il faut joindre à cette édition celle qui est comprise dans ses deux volumes de Comédies, Madrid, 1670 et 1674.

    L’autre procédé, non moins arbitraire, regarde l’Héraclius. Pour maintenir en possession de la priorité l’Espagnol Calderon, qui a traité le même sujet dans son drame intitulé : En esta vida todo es verdad y todo mentira, M. de Schack (p. 177) antidate de vingt-sept ans la première publication de cette pièce, et la fait remonter à l’an 1637. Il est vrai qu’il se rétracte encore sur