Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Corneille était forcé de renoncer à tant de développements, et il ne pouvait transporter l’intrigue dans un lieu saint. Toutefois on lit avec quelque surprise, au vers 1434, ce mot de Clarice à Lucrèce :

« Soit. Mais il est saison que nous allions au temple. »

Que vient faire le temple ou l’église, dans une action comique aussi abstraite chez nous que les noms grecs de ses personnages ? Voltaire est choqué de cette inconvenance dramatique : Allons à l’église, puisque nous n’avons plus rien à dire ici ! et cela sans qu’il doive rien résulter pour notre action de cette dévote pratique. La faute tient à un scrupule assez touchant de Corneille : il a beau retrancher et changer bien des choses, on voit qu’il s’y résout timidement, qu’il est comme obsédé des souvenirs de son texte, et il en donne volontiers, comme ici, des miettes éparses, par réminiscence des morceaux dont il est obligé de se priver.

XVI.

Au quatrième acte reparaît le comique de caractère du Menteur, qui n’avait presque plus menti dans le troisième.

C’est d’abord l’honnête valet qu’il va prendre pour dupe à son tour, lui, de son cœur l’unique secrétaire, lui, de ses secrets le grand dépositaire[1].

Pues secretario me bas hecho
del archivo de tu pecho…

Cliton demande à son maître des nouvelles de cet Alcippe qui, dit-on, s’est battu[2], transition très-faible, ainsi que tout le commencement de la première scène, et qui est tout autrement ménagée dans l’espagnol, où elle sort directement de l’action.

L’occasion est belle pour le Menteur, en s’avouant le héros de ce duel, d’inventer un superbe combat, et de tuer son homme, sauf à le voir entrer en scène aussitôt, ressuscité sûrement par quelque charme hébraïque dont il connaît la formule, sachant dix langues aussi bien que la sienne. Émotions successives du valet, suivies de ses reproches ironiques. Tout cela est imité de fort près, sauf la supposition d’une vieille rancune et d’anciennes provocations[3], sauf encore le joli vers de Corneille :

« Les gens que vous tuez se portent assez bien[4]. »

  1. Acte IV, scène i, vers 1129, 1130, et scène iii, vers 1169, 1170.
  2. Voyez acte IV, scène i, vers 1120.
  3. Voyez ibidem, vers 1132 et suivants.
  4. Acte IV, scène ii, vers 1164.