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Aux couleurs, au carrosse, il ne doute de rien ;
Tout étoit à Lucrèce, et le dupe si bien,
Que prenant ces beautés pour Lucrèce et Clarice,
790Il rend à votre amour un très mauvais service.
Il les voit donc aller jusques au bord de l’eau,
Descendre de carrosse, entrer dans un bateau ;
Il voit porter des plats, entend quelque musique,
(À ce que l’on m’a dit, assez mélancolique).
Mais cessez[1] d’en avoir l’esprit inquiété ;
Car enfin le carrosse avoit été prêté :
L’avis se trouve faux, et ces deux autres belles
Avoient en plein repos passé la nuit chez elles.

ALCIPPE.

Quel malheur est le mien ! Ainsi donc sans sujet
800J’ai fait ce grand vacarme à ce charmant objet[2] ?

PHILISTE.

Je ferai votre paix. Mais sachez autre chose :
Celui qui de ce trouble est la seconde cause,
Dorante, qui tantôt nous en a tant conté
De son festin superbe et sur l’heure apprêté,
805Lui qui, depuis un mois nous cachant sa venue,
La nuit, incognito, visite une inconnue,
Il vint hier de Poitiers, et, sans faire aucun bruit,
Chez lui paisiblement a dormi toute nuit.

ALCIPPE.

Quoi ! sa collation…

PHILISTE.

Quoi ! sa collation…N’est rien qu’un pur mensonge ;
810Ou, quand il l’a donnée, il l’a donnée en songe[3].

ALCIPPE.

Dorante, en ce combat si peu prémédité,

  1. L’édition de 1656 donne, par une erreur évidente, cesse, pour cessez.
  2. Var. J’ai fait ce grand vacarme à ce divin objet ? (1644-56)
  3. Var. Ou bien, s’il l’a donnée, il l’a donnée en songe, (1644-64)