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Et bientôt leur cocher m’en dira des plus belles.

DORANTE.

Penses-tu qu’il t’en dise ?

CLITON.

Penses-tu qu’il t’en dise ?Assez pour en mourir :
Puisque c’est un cocher, il aime à discourir.


Scène II.

DORANTE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE.
CLARICE, faisant un faux pas, et comme se laissant choir[1].

Ay !

DORANTE, lui donnant la main.

105Ay !Ce malheur me rend un favorable office,
Puisqu’il me donne lieu de ce petit service ;
Et c’est pour moi, Madame, un bonheur souverain
Que cette occasion de vous donner la main.

CLARICE.

L’occasion ici fort peu vous favorise,
110Et ce foible bonheur ne vaut pas qu’on le prise.

DORANTE.

Il est vrai, je le dois tout entier au hasard :
Mes soins ni vos desirs n’y prennent point de part ;
Et sa douceur mêlée avec cette amertume
Ne me rend pas le sort plus doux que de coutume,
115Puisque enfin ce bonheur, que j’ai si fort prisé,
À mon peu de mérite eût été refusé.

CLARICE.

S’il a perdu sitôt ce qui pouvoit vous plaire,
Je veux être à mon tour d’un sentiment contraire,
Et crois qu’on doit trouver plus de félicité
120À posséder un bien sans l’avoir mérité.

  1. Les derniers mots du jeu de scène : « et comme se laissant choir, » manquent dans l’édition de 1663.