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AU LECTEUR[1].


Bien que cette comédie et celle qui la suit soient toutes deux de l’invention de Lope de Vega[2], je ne vous les donne point dans le même ordre que je vous ai donné le Cid et Pompée, dont en l’un vous avez vu les vers espagnols, et en l’autre les latins, que j’ai traduits ou imités de Guillen de Castro et de Lucain. Ce n’est pas que je n’aye ici emprunté beaucoup de choses de cet admirable original ; mais comme j’ai entièrement dépaysé les sujets pour les habiller à la françoise, vous trouveriez si peu de rapport entre l’espagnol et le françois, qu’au lieu de satisfaction vous n’en recevriez que de l’importunité.

Par exemple, tout ce que je fais conter à notre Menteur des guerres d’Allemagne, où il se vante d’avoir été, l’Espagnol le lui fait dire du Pérou et des Indes, dont il fait le nouveau revenu ; et ainsi de la plupart des autres incidents, qui bien qu’ils soient imités de l’original, n’ont presque point de ressemblance avec lui pour les pensées, ni pour les termes qui les expriment. Je me contenterai donc de vous avouer que les sujets sont entièrement de lui, comme vous les trouverez dans la vingt et deuxième partie de ses comédies[3]. Pour le reste, j’en ai pris tout ce qui s’est pu accommoder à notre usage ; et s’il m’est permis de dire mon sentiment touchant une chose où j’ai si peu de part, je vous avouerai en même temps que l’invention de celle-ci me charme telle-

  1. Parmi les éditions publiées en France du vivant de Corneille, les seules qui donnent cet avis Au lecteur et les deux pièces de vers qui le suivent sont celles de 1648, 1652 et 1655.
  2. Voyez ci-dessus la Notice, p. 119, et plus bas l’Examen, p. 187.
  3. Voyez plus loin le commencement de l’Appendice du Menteur, p. 241 et 242.