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ou d’emporter d’assaut[1]. » On doit même croire que ces termes formaient dans certains cas pour les amants une sorte de chiffre complet et suivi, car, dans la scène du Menteur citée plus haut, Dorante dit à Cliton :

Si jamais un fâcheux nous nuit par sa présence,
Nous pourrons sous ces mots être d’intelligence[2] ;

et dans une des scènes suivantes Cliton, se rappelant ces paroles, s’exprime ainsi à son tour :

… Je suis ce fâcheux qui nuis par ma présence,
Et vous fais sous ces mots être d’intelligence[3].

C’est là peut-être quelque allusion à une mode passagère, que Corneille aura tenu, comme c’est son habitude dans ses comédies[4], à indiquer au passage[5]. Dans cette même comédie il nous donne une autre preuve de son empressement en ce genre, car il nous y parle de la poudre de sympathie[6] dans un temps où aucun médecin n’avait encore, en France, écrit sur ce remède.

Tous les historiens du théâtre s’accordent à placer la première représentation du Menteur en 1642. Corneille nous renseigne beaucoup mieux sur cette pièce que sur les précédentes :

On la joue au Marais, sous le nom du Menteur,

nous dit-il dans un morceau qui termine la première édition de la Suite[7], et qu’il a retranché des autres. Dans une scène qui au contraire a toujours été maintenue, il fait un charmant compte rendu du Menteur ; il constate que

La pièce a réussi, quoique foible de style[8] ;

nous donne de l’acteur qui jouait Dorante, le portrait qu’on

  1. 3e édition, 1694, p. 94.
  2. Acte I, scène vi, vers 349 et 350.
  3. Acte III, scène vi, vers 1069 et 1070.
  4. Voyez tome II, p. 3 et 4.
  5. Dans les scènes vi et vii du Ier acte des Folies amoureuses de Regnard, des expressions militaires deviennent des métaphores galantes comme dans les passages cités plus haut, et à la scène vii de l’acte II des termes de musique servent de langage secret.
  6. Voyez ci-après, p. 205, note 1.
  7. Voyez la dernière variante de la Suite du Menteur.
  8. Acte I, scène iii, vers 295.