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ACTE V.


Scène première.

CORNÉLIE, tenant une petite urne en sa main ; PHILIPPE.
CORNÉLIE.

Mes yeux, puis-je vous croire, et n’est-ce point un songe
Qui sur mes tristes vœux a formé ce mensonge ?
1455Te revois-je, Philippe, et cet époux si cher
A-t-il reçu de toi les honneurs du bûcher ?
Cette urne que je tiens contient-elle sa cendre ?
Ô vous, à ma douleur objet terrible et tendre[1],
Éternel entretien de haine et de pitié,
1460Reste du grand Pompée, écoutez sa moitié.
N’attendez point de moi de regrets, ni de larmes ;
Un grand cœur à ses maux applique d’autres charmes.
Les foibles déplaisirs s’amusent à parler,
Et quiconque se plaint cherche à se consoler.
1465Moi, je jure des Dieux la puissance suprême,
Et pour dire encore plus, je jure par vous-même,
Car vous pouvez bien plus sur ce cœur affligé
Que le respect des Dieux qui l’ont mal protégé :

  1. « Garnier, du temps de Henri III, fit paraître Cornélie, tenant en main l’urne de Pompée. Elle dit (acte III, scène iii) :
    Ô douce et chère cendre ! ô cendre déplorable !
    Qu’avecque vous ne suis-je, ô femme misérable !
    C’est la même idée, mais elle est grossièrement rendue dans Garnier, et admirablement dans Corneille. L’expression fait la poésie. » (Voltaire.) — Voyez la Notice, p. 5.