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lieu en général ; mais le lieu particulier change de scène en scène, et tantôt c’est le palais du Roi, tantôt l’appartement de l’Infante, tantôt la maison de Chimène et tantôt une rue ou place publique[1]. » Sur quoi Voltaire fait remarquer que « l’unité de lieu serait observée aux yeux des spectateurs si on avait eu des théâtres dignes de Corneille, semblables à celui de Vicence, qui représente une ville, un palais, des rues, une place, etc. » La Comédie-Française, qui ne dispose pas d’une scène aussi majestueuse, voulut du moins marquer le lieu précis de chaque partie de l’action, à l’aide de changements de décors. Malgré ce qu’avait d’abord d’un peu étrange la division des actes d’une tragédie de Corneille en tableaux, cet essai, qui, après tout, semble assez conforme aux intentions de l’auteur, réussit fort bien, et depuis lors ce mode de représentation fut définitivement adopté[2]. Il est regrettable qu’au moment où l’on changeait ainsi les habitudes du public, on n’ait pas rétabli dans toute son intégrité le texte du Cid, et remis au théâtre les trois rôles supprimés. Ne serait-ce pas là un bon essai à faire pour un anniversaire de naissance de Corneille, et M. Édouard Thierry, qui a fait preuve en plusieurs circonstances d’une intelligente initiative et d’un goût littéraire des plus exercés, ne sera-t-il pas disposé à attacher son nom à une restitution de ce genre, bien différente de celle qu’on attribue à Jean-Baptiste Rousseau ?



  1. Voyez plus loin, p. 98.
  2. Je dois une partie de ces renseignements, et beaucoup d’autres dont je compte faire usage dans les notices suivantes, aux obligeantes communications de M. Léon Gaillard, bibliothécaire et archiviste de la Comédie-Française.