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III


Au cours des longues années qui nous séparent encore de l’ère contemporaine des nouvelles persécutions, les grévistes du mariage vivent à peu près tranquilles. La législation révolutionnaire tombe promptement en désuétude. Napoléon se contenta d’appeler sous les drapeaux les célibataires avant les gens mariés, obligation qui n’était point indifférente, il est vrai, en ce temps d’hécatombes humaines. Plus d’un, peut-être, s’est fait d’un foyer matrimonial un refuge contre la gloire, refuge temporaire, hélas, à cette époque où l’on voyait dans les steppes russes ou dans les plaines de Belgique,

Fondre ces régiments de granit et d’acier
Comme fond une cire au souffle d’un brasier[1].

L’année terrible vit aussi la levée dite des « vieux garçons », rappelant au service les hommes qui, leur temps fait, étaient restés célibataires[2].

Puis un nouvel ennemi apparaît, plus menaçant que les baïonnettes, plus terrible que la mitraille : la statistique. Cet art de raisonner faux sur des chiffres exacts prouve aux célibataires qu’ils fournissent à la société plus d’aliénés que les gens mariés, — comme si la folie n’était pas le plus souvent la cause et non l’effet du célibat, — et plus de criminels, — comme si celui qui aspire à la gloire de devenir un jour Rempart de la Villette ou Terreur de Belleville ne préférait pas au mariage une union moins gênante et peut-être aussi plus lucrative.

  1. Hugo, les Châtiments. L’Expiation.
  2. Cf. Cartier, loc. cit., p. 95.