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 De Rhun et de Gommern écartelés, l’unique
Descendant d’une race altière et tyrannique,
Après être allé voir pendre trois paysans
Malgré la pluie et ses quatre-vingt-quatorze ans,
Vers l’Angelus, après souper, presque sans fièvre
Mourut, les bras en croix et l’hostie à la lèvre,
En son château de Ruhn, sur l’Elbe.

                                                              On arbora
Le drapeau noir, et tout le pays respira.
Car on était alors dans les guerres civiles ;
L’ivrogne Wenceslas avait vendu les villes
À prix d’or. Les seigneurs gouvernaient à leur gré,
Et le vieux droit avait dès longtemps émigré.
Or, il avait été cupide et sanguinaire
Ce grand vieillard tout pâle et presque centenaire
Que le drap dessinait sur son lit de repos.
Il avait rétabli tous les anciens impôts ;
Et ses hallebardiers, démons de violence,
Faisaient payer les gens à coups de bois de lance :
Impôt sur la vendange, impôt sur la moisson,
Sur le gibier, sur les moulins, sur le poisson ;
Impôt même sur ceux qui font pèlerinage ;
Impôt toujours, et, quand on refusait, carnage.
Le vieux margrave avait des vengeances d’enfer.