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refusa hardiment de se joindre à la prière, sous prétexte qu’il était pressé et qu’il devait surveiller les préparatifs du départ. — Mais que cela ne t’empêche pas, dit-il, digne capitaine, de prier en notre faveur tandis que nous serons en selle ; car nous avons encore à digérer le pieux aliment dont tu nous as nourris. Nous ne doutons pas cependant que si ta voix s’élevait en notre honneur pendant que nous traverserons les premières lieues de la forêt, le trot de nos chevaux n’en serait pas plus lourd, et nous-mêmes nous ne nous en trouverions pas plus mal.

Alors, adressant un regard de moquerie mal déguisée à un de ses compagnons qui était venu l’avertir que les chevaux étaient prêts, il fit le salut d’adieu avec un air dans lequel se mêlait ce respect involontaire qu’un homme comme le Puritain ne pouvait manquer d’inspirer, et un dédain habituel pour toutes les choses sérieuses.

Tous les membres de la famille de Mark Heathcote, jusqu’au dernier des serviteurs, virent le départ des étrangers avec une grande satisfaction intérieure ; les jeunes filles elles-mêmes, dans lesquelles la nature avait éveillé une légère vanité, furent charmées d’êtres débarrassées de galants dont les éloges flattaient souvent leur oreille, mais plus souvent encore blessaient la sévérité de leurs principes par des allusions frivoles et mondaines à des choses qu’elles étaient habituées à considérer avec autant de crainte que de respect. Ében Dudley put à peine cacher la joie qu’il éprouva lorsqu’il vit la petite troupe entrer dans la forêt ; mais ni lui ni ceux dont l’expérience était plus grande n’avaient l’idée que les Anglais pussent s’exposer à un danger réel par leur brusque départ.

L’opinion de ceux qui avaient fait une battue dans la forêt sembla se confirmer chaque jour ; la nuit et bien d’autres qui la suivirent s’écoulèrent sans alarme. La saison s’avançait, et les serviteurs terminèrent leurs travaux sans qu’un second appel fût fait à leur courage, ou qu’il y eût de nouvelles raisons pour redoubler de surveillance. Whittal Ring suivait les chevaux avec impunité dans les profondeurs les plus sombres de la forêt, et les troupeaux de la famille, aussi longtemps que la saison le permit, allèrent paître tranquillement dans les bois. Le temps du danger et la visite des agents de la couronne fournirent un sujet de traditions, et pendant l’hiver suivant, la visite des Anglais surtout fut un texte qui entretint la gaieté autour de ces feux brillants si nécessaires dans le pays.