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réclamait comme celles de ses propriétés. Dans une seule occasion les hostilités en vinrent au point que le vétéran se crut obligé de prendre son poste dans la forteresse, et il est certain que si ses services eussent été nécessaires, il eût prouvé ses connaissances dans l’art militaire. Mais alors la simple histoire de Wish-ton-Wish avait fourni une nouvelle preuve de cette vérité politique qu’on ne peut trop rappeler à l’attention des Américains, c’est-à-dire que ce qui conserve le mieux la paix d’un pays, c’est d’être préparé à la guerre. Dans l’occasion que nous venons de citer, l’attitude hostile du vieux Mark et de ses serviteurs avait produit l’effet désirable sans qu’il fût forcé de répandre le sang. Ces triomphes paisibles étaient plus en harmonie avec les principes du Puritain à l’époque dont nous parlons, qu’ils ne l’eussent été avec les goûts de sa première jeunesse. Suivant l’habitude fanatique du temps, il avait assemblé sa famille pour prier autour de la pièce d’artillerie à laquelle ils devaient tous leur salut, et depuis ce moment la chambre elle-même devint un lieu de méditation favori pour le vieux soldat. Il s’y rendait souvent, même à ces heures de repos pendant lesquelles les ténèbres couvraient la terre, pour se livrer en secret à ses exercices spirituels qui formaient sa principale consolation, et même la plus importante affaire de sa vie. Grâce à cette habitude, la forteresse fut, avec le temps, regardée comme un lieu sacré, réservé au maître de la vallée. Content s’était appliqué à y placer tous les objets qui pouvaient contribuer au bonheur personnel de son père tandis que son esprit était occupé de contemplations spirituelles. On sut bientôt que le vieillard faisait usage du matelas qu’on y avait porté, et qu’il passait dans cette solitude tout le temps qui s’écoulait depuis le coucher jusqu’au lever du soleil. L’ouverture qui avait d’abord été taillée pour la petite pièce d’artillerie avait été vitrée, et tous les meubles qu’on avait montés peu à peu le long de l’échelle difficile n’en descendirent jamais.

Il y avait dans l’austère dévotion du vieux Mark Heathcote quelque chose qui rappelait les pratiques des anciens anachorètes. Les jeunes gens de l’habitation regardaient son front sévère et la gravité de son maintien avec un respect qui tenait de la crainte. Si la bonté naturelle de son caractère eût été moins connue, ou s’il eût parcouru une carrière politique à une époque plus reculée, il eût probablement partagé la persécution que ses compatriotes appelaient sur ceux qu’on supposait doués d’une