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rempli d’arbres du dix à quinze ans, ajoutait à l’aspect animé qui formait un contraste frappant entre cette riante vallée et les bois sans fin et très-peu habités qui l’environnaient.

Il n’est pas nécessaire de parler de la forêt immense qui entourait l’habitation ; car, excepté le côté de la montagne, et çà et là un espace vide sur lequel les arbres avaient été déracinés par les horribles tempêtes qui souvent détruisent en une minute des acres entiers de nos plantations, l’œil ne trouvait à se reposer, dans ce tableau paisible et agreste, que sur un labyrinthe sans fin de déserts. Cependant, le mouvement du terrain limitait la perspective à un horizon de peu détendue, quoique l’art de l’homme pût à peine trouver des couleurs aussi vives et aussi brillantes que celles qu’offraient les différentes nuances du feuillage. La gelée froide et mordante qui se fait sentir à la fin de l’automne de la Nouvelle-Angleterre avait déjà touché les feuilles larges et découpées de l’érable ; la même impression avait été presque subitement produite sur les autres arbres de la forêt ; il en résultait un effet magique qui ne peut être vu qu’au milieu des régions où la nature, si prodigue en été de ses richesses, passe par des transitions si rapides et si sévères d’une saison à une autre.

L’œil du vieux Mark Heathcote errait sur ce tableau de paix et de prospérité avec une apparence de sollicitude toute mondaine. Le son mélancolique des diverses clochettes, qui ressemblait à des plaintes, se faisant entendre au milieu des bois, lui donnait de fortes raisons de croire que les troupeaux de la famille quittaient volontairement leur pâturage sans limites des forêts. Son petit-fils, jeune garçon beau et spirituel, d’environ quatorze ans, s’approchait à travers les champs. Cet enfant conduisait devant lui un petit troupeau que les nécessités du ménage forçaient la famille à entretenir, malgré des pertes accidentelles, une grande dépense de temps et beaucoup de fatigue, seules sauvegardes contre les attaques des bêtes de proie. Une espèce d’idiot, servant de petit berger, et que la charité du vieillard avait admis parmi ses serviteurs, parut bientôt à l’entrée du bois, près du défrichement abandonné sur le flanc de la montagne. Ce dernier avançait en criant et en chassant devant lui des poulains aussi sales, aussi obstinés et presque aussi sauvages que lui-même.

— Doucement, enfant, dit le Puritain d’un ton sévère lorsque les deux jeunes garçons s’approchèrent de lui en venant chacun