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du mouvement au cours de l’existence, et pas assez de vicissitudes pour tromper. Succédant à la nudité de l’hiver, le printemps est gracieux par comparaison, et l’on jouit encore des beautés de l’automne lorsque celles de l’été se sont montrées dans tout leur luxe.

Pour obéir à cette loi de la nature, malgré l’imagination des poètes, le printemps et l’automne d’Amérique participent largement du caractère distinctif de ces saisons rivales. Ce que la nature a fait sur le continent américain n’a point été fait avec parcimonie ; et lorsque nous pouvons tirer gloire d’un automne qui l’emporte certainement en beauté, à peu d’exceptions près, sur ceux de la plupart des climats de l’ancien monde, le printemps manque rarement, pour égaliser les dons de la Providence, de se montrer avec toute son inconstance.

Plus de la moitié d’une année s’était écoulée depuis le jour où le jeune Indien avait été trouvé en embuscade dans la vallée de la famille Heathcote, et celui où il lui fut permis de se rendre dans la forêt sans autre chaîne que ce lien moral qui, suivant le propriétaire de l’habitation, devait le ramener volontairement dans une captivité aussi pénible. On était au mois d’avril, mais c’était avril comme il était connu il y a un siècle dans le Connecticut, et comme il se présente encore souvent aujourd’hui dans cette capricieuse saison. Le temps avait repris subitement et avec violence toute la rigueur de l’hiver ; au dégel avaient succédé une neige abondante ou de la pluie, et l’époque qui annonce le temps des fleurs avait amené un vent froid et piquant du nord-ouest, qui pouvait faire croire à la présence du mois de février.

Le jour où Content conduisit ses serviteurs dans la forêt, les colons étaient revêtus d’habits de peau. Leurs jambes étaient protégées par les grossiers brodequins qu’ils avaient portés dans les chasses de l’hiver précédent, si l’on peut regarder comme passé ce qui est de retour ; car, bien que le froid fût un peu moins piquant, la campagne avait l’apparence qu’elle offre dans le premier mois de l’année. Ében Dudley, qui sortit le dernier de la poterne, et qui était le plus lourd de la troupe, marcha sur la neige durcie d’un pas aussi ferme que s’il eût foulé la terre. Plus d’une fille déclara que, bien qu’elle eût essayé de découvrir la trace des chasseurs lorsqu’ils eurent quitté les palissades, la sagacité d’un Indien lui-même n’aurait pu suivre leur piste le long du sentier glacé qu’ils suivaient.