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timent noble et chevaleresque qui fait que les Indiens des Prairies regardent comme une action encore plus héroïque d’enlever le trophée de la victoire du corps d’un ennemi tombé que de lui arracher la vie, il semblait n’avoir d’autre plaisir que d’en détruire le principe. Tandis que les chefs valeureux ne cherchaient qu’à se couvrir de gloire et à s’illustrer par quelque action d’éclat, on l’avait toujours vu se cacher derrière quelque couvert favorable, et priver les blessés de toute espérance, en achevant ce qu’un guerrier plus généreux avait commencé. Lorsqu’il s’agissait de quelque acte de cruauté, il se montrait toujours le premier, et dans le conseil jamais on ne l’avait vu une seule fois se ranger du côté de l’indulgence.

Il avait attendu, avec une impatience que, tout glacé qu’il était par l’âge, il avait eu peine à modérer, l’instant où il pourrait se mettre à exécuter les ordres du grand chef dont il lui fallait l’approbation et la protection puissante pour entreprendre une démarche qui avait trouvé tant d’opposition dans le conseil. Mais un engagement venait enfin de commencer entre les deux troupes, et à sa grande joie, l’instant était arrivé où il se trouvait libre d’agir à sa volonté.

Le Trappeur le trouva occupé à distribuer des couteaux aux mégères féroces, qui, en les recevant, entonnèrent à voix basse un chant monotone qui rappelait les pertes qu’elles avaient faites dans différents combats de leur peuple contre les blancs, et qui vantait les charmes et la gloire de la vengeance. La vue seule d’un pareil groupe aurait suffi pour détourner un homme moins intrépide que le vieillard d’entrer dans le cercle où elles accomplissaient leurs affreuses cérémonies.

Chaque squaw, en recevant l’arme fatale, commençait une sorte de danse lente et mesurée, mais sans grâce, autour du sauvage, jusqu’à ce qu’elles l’eussent entouré toutes dans une espèce de cercle magique. Leurs mouvements étaient réglés, jusqu’à un certain point, par les paroles de leurs chants sauvages, et leurs gestes, par les idées qu’elles exprimaient. Ainsi, lorsqu’elles parlaient des guerriers qu’elles avaient perdus, elles agitaient en l’air leurs longs cheveux gris tout hérissés, ou bien elles les laissaient retomber en désordre sur leurs cous desséchés ; mais lorsque l’une d’entre elles venait à faire allusion à la douceur de rendre coup pour coup, toutes lui répondaient par des cris frénétiques et par des gestes qui prouvaient assez avec quelle ardeur elles cherchaient