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devoirs militaires ; et lorsque Duncan eut fini de rendre compte de sa mission, le père avait disparu, il ne restait plus devant lui que le commandant de William-Henry, mécontent et courroucé.

— Vous m’en avez dit assez, major Heyward, s’écria le vieillard d’un ton qui prouvait combien il était blessé de la conduite du marquis, assez pour faire un volume de commentaires sur la civilité française. Voilà un monsieur qui m’invite à une conférence, et quand je me fais remplacer par un substitut très capable, car vous l’êtes, Duncan, quoique vous soyez encore jeune, il refuse de s’expliquer et me laisse tout à deviner !

— Mon cher monsieur, reprit le major en souriant, il est possible qu’il ait une idée moins favorable du substitut. D’ailleurs, faites attention que l’invitation qu’il vous a faite et qu’il m’a chargé de vous réitérer s’adresse au commandant en chef du fort, et non à l’officier qui commande en second.

— Eh bien ! Monsieur, répondit Munro, un substitut n’est-il pas investi de tout le pouvoir et de toute la dignité de celui qu’il représente ? — Il veut avoir une conférence avec le commandant en personne ! Sur ma foi, Duncan, j’ai envie de la lui accorder, ne fût-ce que pour lui montrer une contenance ferme, en dépit de son armée nombreuse et de ses sommations. Ce serait un coup de politique qui ne serait peut-être pas mauvais, jeune homme.

Duncan, qui croyait de la dernière importance de connaître le plus promptement possible le contenu de la lettre dont le batteur d’estrade était chargé, se hâta d’appuyer sur cette idée.

— Sans aucun doute, dit-il, la vue de notre air d’indifférence et de tranquillité ne sera pas propre à lui inspirer de la confiance.

— Jamais vous n’avez dit plus grande vérité. — Je voudrais qu’il vînt inspecter nos fortifications en plein jour, et en manière d’assaut, ce qui est le meilleur moyen pour voir si un ennemi fait bonne contenance, et ce qui serait infiniment préférable au système de canonnade qu’il a adopté. La beauté de l’art de la guerre a été détruite, major, par les pratiques modernes de votre M. Vauban. Nos ancêtres étaient fort au-dessus de cette lâcheté scientifique.

— Cela peut être vrai, Monsieur, mais nous sommes obligés maintenant de nous défendre avec les mêmes armes qu’on emploie contre nous. — Que décidez-vous, relativement à l’entrevue ?

— Je verrai le Français ; je le verrai sans crainte et sans délai, comme il convient à un fidèle serviteur du roi mon maître. —