Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dites-moi ce qu’il me reste à apprendre, ou rétractez tout ce que vous m’avez dit.

— Tu sauras tout ce que tu veux savoir, et plus encore, Lionel Lincoln, répondit Ralph donnant à sa voix et à ses gestes un air solennel et persuasif, pourvu que tu jures haine éternelle au pays dont les lois permettent qu’un homme innocent et persécuté soit ravalé au rang des animaux des forêts, et soit porté par le désespoir et l’amertume de ses souffrances jusqu’à blasphémer son Créateur.

— Je ferai plus, dix mille fois ; j’embrasserai le parti de cette rébellion, je…

— Lionel ! Lionel ! à quoi pensez-vous ? s’écria Cécile épouvantée.

Elle fut interrompue par de grands cris qui partaient du village, s’élevant au-dessus du bruit produit par les soldats qui se livraient au plaisir ; et au même instant on entendit la marche d’un grand nombre d’hommes qui semblaient courir par centaines de tous côtés sur la terre gelée. L’oreille de Ralph fut aussi alerte que celle de Cécile ; il se leva sur-le-champ, et s’approcha sans bruit du grand chemin, suivi de ses deux compagnons, Lionel indifférent sur tout ce qui pouvait lui arriver, Cécile tremblant de tous ses membres, et ne craignant que pour la sûreté de celui qui songeait si peu au danger qu’il courait.

— C’est lui qu’ils cherchent, dit Ralph à Cécile en faisant un geste de la main pour attirer son attention ; ils croient trouver un ennemi ; mais il vient de jurer de se ranger sous leurs étendards, et ils recevront avec plaisir dans leurs rangs un homme qui porte son nom.

— Non ! non ! s’écria Cécile ; il n’a pas juré de se déshonorer ainsi ! Fuyez, Lincoln, tandis que vous le pouvez encore ! Que ceux qui vous poursuivent ne trouvent que moi ; ils respecteront mon sexe et ma faiblesse.

L’allusion qu’elle faisait à elle-même tira heureusement Lionel de l’état de stupeur dans lequel il était tombé. Entourant d’un bras sa taille svelte, il l’entraîna en avant aussi rapidement qu’il le put, et dit à Ralph, qui était déjà en marche :

— Vieillard, quand j’aurai mis ce dépôt précieux en sûreté, il faudra que tu me prouves si ce que tu m’as dit est vérité ou mensonge.

Mais Ralph, qui n’avait personne à soutenir, et dont les mem-