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En quelques minutes ils arrivèrent sur le sommet de la hauteur la plus voisine ; ils s’y trouvèrent au milieu d’un cercle nombreux d’hommes travaillant à une fortification, et l’un des deux gardes se détacha pour chercher l’officier qui commandait ce poste. Du point où elle était, Cécile voyait distinctement la ville, le port et une partie des campagnes adjacentes. Les vaisseaux anglais reposaient toujours tranquillement sur leurs ancres, et le jeune midshipman était sans doute paisiblement couché dans son hamac, à bord de la frégate dont les mâts s’élevaient majestueusement vers le ciel en belles lignes symétriques. On n’apercevait dans la ville aucune apparence d’alarmes ; au contraire, les lumières qui y brillaient encore disparaissaient successivement, malgré la canonnade qui grondait sans discontinuer à l’occident de la péninsule, et il était probable que Howe et ses compagnons n’avaient pas encore terminé l’orgie dans laquelle Cécile les avait laissés environ deux heures auparavant.

Mais tandis qu’à l’exception des batteries qui vomissaient le feu, tout paraissait, dans l’éloignement, enseveli dans le silence et le sommeil, ce qui se passait autour de Cécile annonçait la vie et l’activité. Des parapets s’élevaient sur la crête de la hauteur ; on remplissait des barils de terre et de sable ; on portait des fascines dans tous les endroits où l’on en avait besoin ; et cependant le silence n’était troublé que par le bruit des pioches qui creusaient la terre, des cognées qui abattaient des arbres, l’orgueil des vergers voisins, et par des ordres qu’on donnait à voix basse aux travailleurs. La nouveauté de cette scène fit oublier un instant à Cécile ses inquiétudes. De temps en temps quelques partis ou quelques individus isolés s’approchaient d’elle, s’arrêtaient un moment pour considérer des traits aimables et expressifs auxquels la clarté de la lune donnait un nouveau caractère de douceur, et se retiraient en silence pour réparer, en redoublant de travail, l’oubli momentané de leurs devoirs.

Enfin le garde reparut et annonça l’arrivée du général qui commandait ce poste. C’était un homme de moyen âge, paraissant avoir beaucoup de calme et de sang-froid, ayant un costume à demi militaire, mais ne portant pas d’autres marques extérieures de son rang que la cocarde cramoisie qui indiquait son grade, et qui décorait un des plus grands chapeaux à cornes qu’on portât à cette époque.