Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— La cérémonie ne pourrait-elle se faire à la maison de Mrs Lechmere ? demanda-t-il ; miss Dynevor est délicate, et je crains que l’air froid de la chapelle ne lui fasse mal.

— Elle désire se marier à l’autel, Monsieur, et vous sentez que ce n’est pas à moi de lui refuser une demande aussi raisonnable.

— C’est un désir très-louable, très-louable en vérité, quoique je présume qu’elle connaît la différence entre l’église temporelle et la spirituelle. Les lois des colonies laissent beaucoup trop de latitude sur l’article des mariages, major Lincoln ; une latitude coupable et dangereuse !

— Mais, comme il ne dépend pas de nous de les changer, mon bon monsieur, voulez-vous me permettre d’en profiter, tout imparfaites qu’elles sont ?

— Incontestablement ; c’est une partie de mes devoirs de baptiser, de marier et d’inhumer : devoirs qui, comme je le dis souvent, embrassent le commencement, le milieu et la fin de notre existence. Mais permettez-moi de vous offrir un verre de ce breuvage, major Lincoln. Nous l’appelons Samson, à Boston ; vous m’en direz des nouvelles ; hé ! hé ! il n’est point de compagnon plus agréable dans une soirée de février.

— Ce mélange mérite bien son nom, Monsieur, dit Lionel après y avoir trempé ses lèvres ; car la force me paraît en être la qualité dominante.

— Ah ! c’est que vous l’avez avant qu’il ait passé par les mains d’une Dalila ! Mais qu’est-ce que je dis ? il ne sied pas à un homme de mon caractère de parler de prostituées.

Le bon docteur se mit à rire de son esprit, remplit son verre jusqu’au bord et continua :

— Nous en avons de deux sortes, voyez-vous ? Samson avec cheveux, et Samson sans cheveux. Moi, je suis pour l’homme dans sa force primitive ; cela me semble plus orthodoxe. — À votre santé, major Lincoln ; puissiez-vous goûter dans le cours de votre vie tout le bonheur que vous êtes en droit d’attendre dans la société de la charmante demoiselle que vous allez épouser, et puissiez-vous ensuite faire une bonne fin, comme un digne chrétien et un fidèle sujet !

Lionel se leva, regardant ces souhaits obligeants comme une preuve qu’il avait réussi à le décider, et dit quelques mots sur l’heure où il devrait se trouver à la chapelle. Le docteur, qui