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— Allons, Messieurs, nous sommes en retard. Si nous ne nous pressons pas davantage, nous n’arriverons pas à temps pour prier pour le roi, et encore moins pour nous-mêmes.

Il avait à peine fait deux pas, accompagné de sa suite, quand un nouveau bruit qu’on entendit en arrière annonça l’arrivée d’un autre officier-général. C’était le commandant en second, également accompagné d’un cortège assez nombreux. L’air de satisfaction qu’exprimaient les traits de Howe s’évanouit dès qu’il le vit paraître. Il rendit à Clinton son salut avec une politesse froide, et entra sur-le-champ dans l’église.

Dès que Burgoyne l’eut vu passer, il s’approcha de Clinton, et, avec la présence d’esprit qu’il conservait toujours, lui fit à l’oreille quelque allusion adroite aux événements de cette même journée qui avait donné naissance à la jalousie du général en chef, et qui l’avait indisposé contre un homme au secours duquel il devait tant.

Clinton céda à l’influence presque irrésistible de la flatterie, et entra dans l’église avec un contentement intérieur qu’il prit sans doute pour un sentiment plus convenable au lieu et à l’occasion. Tous les groupes d’aides de camp, de secrétaires et d’officiers suivirent l’exemple des deux généraux, et Lionel se trouva encore une fois seul avec l’idiot.

Depuis le moment de l’arrivée du général en chef jusqu’à celui de son départ, Job était resté dans un état d’immobilité parfaite. Ses yeux étaient fixes, sans être arrêtés sur rien ; sa mâchoire inférieure était abaissée de manière à donner à sa physionomie un air d’aliénation mentale complète. En un mot, on voyait en lui les traits dégradés d’un homme totalement dépourvu du plus faible rayon d’intelligence. Mais quand les derniers pas de ceux qui entraient dans l’église eurent cessé de se faire entendre, la crainte qui lui avait troublé l’esprit, s’il est permis d’employer ce terme en parlant d’un idiot, se dissipa peu à peu ; il quitta sa posture accroupie, et dit d’une voix basse mais emphatique :

— Qu’il aille à Prospect, et on lui apprendra quelle est la loi.

— Fou pervers et obstiné ! s’écria Lionel en le tirant sans cérémonie hors de sa niche, voulez-vous continuer à crier ainsi jusqu’à ce que vous ayez été étrillé par tous les régiments ?

— Vous avez promis à Job que les grenadiers ne le battraient plus, et Job vous a promis de faire vos commissions.