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— Et Gage sera sans doute très-flatté, Monsieur, d’être secondé par vous, reprit le grenadier. Je crois pourtant, capitaine Polwarth, que, si le lieutenant-général Gage a besoin d’hommes de cœur dans quelque occasion extraordinaire, il se rappellera qu’il y a dans le pays un régiment qui s’appelle Royal-Irlandais, et qu’on peut compter sur les braves qui le composent. Vous avez bien fait, capitaine Polwarth, de choisir l’infanterie légère ; c’est un corps de fourrageurs, et on peut ne s’y laisser manquer de rien, ; mais, grâce à Dieu, ce sont des ennemis, et non pas du bétail que les grenadiers aiment à rencontrer dans la plaine.

Il serait difficile de dire si Polwarth, malgré son caractère jovial et endurant, aurait souffert longtemps encore les quolibets de plus en plus piquants de l’Irlandais, qui s’échauffait lui-même en parlant, lorsque heureusement leur arrivée à la caserne mit fin à la conversation, et prévint les suites qui auraient pu en résulter.




CHAPITRE VIII.


Garde tes soupirs, fille infortunée, pour purifier l’air ; garde tes larmes pour en orner, au lieu de perles, les bracelets faits de tes cheveux.
Davenant.


Lionnel aurait rougi d’avouer l’influence secrète et inexplicable que Ralph, son mystérieux ami, exerçait sur ses sentiments ; mais l’entraînement était irrésistible, et il se hâta de quitter son appartement pour se rendre dans la partie basse de la ville, où se trouvait la demeure d’Abigaïl Prey. Il n’avait point visité le sombre réduit de cette femme depuis le soir de son arrivée ; mais sa proximité de Fanueil-Hall, aussi bien que l’architecture singulière du bâtiment en lui-même, le lui avait fait souvent remarquer pendant les longues promenades qu’il faisait dans une ville qui lui rappelait tous les souvenirs de son enfance. Connaissant donc parfaitement le chemin qui conduisait au vieux magasin, il se dirigea vers la place du marché. Lorqu’en sortant de chez lui Lionel se trouva dans la rue, il vit qu’une obscurité profonde