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me confirmer dans la bonne opinion que j’ai toujours eue de moi-même. Si Sa Majesté a vraiment à cœur de terminer cette affaire d’Amérique, elle n’a qu’à mettre au feu certaine convention[1], donner de l’avancement à quelqu’un que je ne nommerai pas, et nous verrons ! Mais dites-moi avec franchise et vérité, s’agit-il d’un mariage véritable, ou n’est-ce qu’un badinage avec Cupidon ?

— D’un mariage très-honnête, répondit Manuel d’un ton aussi sérieux que s’il avait déjà senti le poids des fers de l’hymen.

— Très-honnête ! y a-t-il de l’argent ?

— S’il y a de l’argent ? répliqua Manuel avec une sorte de mépris ; un soldat sacrifierait-il sa liberté si les chaînes qu’il veut prendre n’étaient d’or ?

— C’est la vraie doctrine militaire. Sur ma foi ; vous avez de la discrétion dans votre corps amphibie, à ce qu’il me semble. Mais pourquoi ce déguisement ? Les grands parents sont-ils graves, puissants et révérends ? Je vous le demande encore, pourquoi ce déguisement ?

— Pourquoi ce déguisement ? répéta Manuel d’un ton froid. Est-ce qu’on fait l’amour sans déguisement, dans votre régiment ? Chez nous, c’est un symptôme régulier de la maladie.

— C’est une description sage et discrète de cette passion, mon camarade amphibie ; et cependant les symptômes en sont accompagnés chez vous de signes peu agréables. Votre maîtresse a-t-elle donc un goût particulier pour le goudron ?

— Non, mais elle m’aime, et par conséquent elle s’inquiète peu sous quels vêtements je me montre à elle.

— C’est encore de la discrétion et de la sagacité ; et pourtant ce n’est qu’une feinte pour parer ma botte directe. J’ose dire, mon camarade aquatique, que vous connaissez certaine place, qu’on nomme Gretna-Green, un peu au nord d’ici, me trompé-je ?

— Gretna-Green ? répéta Manuel un peu embarrassé par son ignorance, un terrain où l’on passe des revues, sans doute.

— Précisément ; où l’on passe en revue ceux qui sont exposés au feu de maître Cupidon. Eh bien ! il y a de l’adresse dans cette apparence de simplicité ; mais cela ne peut réussir avec un vieux pandour. Je suis retors, mon ami marin, et il est difficile de m’en imposer. Maintenant, écoutez, et répondez-moi ; mais ne cherchez pas à rien nier. Vous êtes amoureux.

  1. Capitulation du général Burgoyne.