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— Très-mauvais, c’est difficile ; car Tinkum n’a donné pour prix de la vente qu’une vieille selle qui ne valait pas deux dollars, et une paire de harnais que je défie bien qu’on ajuste jamais à aucune bête. Le loyer d’une seule année coûterait beaucoup plus, et voilà sept ans que nous sommes établis ici. Mes quatre enfants sont nés sous ce bienheureux toit, tel qu’il est.

— Alors vous n’aurez pas beaucoup à vous plaindre, quand le véritable propriétaire du sol viendra le réclamer. Il ne vous en a pas coûté beaucoup pour acquérir ; il ne vous en coûtera pas plus pour céder la place.

— Mais enfin, nous avons payé quelque chose, nous, et l’on ne peut nous traiter de squatters. On dit qu’un vieux clou payé en bonne forme, établit une sorte de titre auprès du plus haut tribunal de l’État. Les lois sont faites pour les pauvres.

— Pas plus que pour les riches. La loi doit être juste et impartiale, et les pauvres doivent être les premiers à désirer qu’il en soit ainsi, puisqu’ils ne peuvent manquer de perdre à ce qu’un autre principe domine. Croyez bien, ma bonne femme, que l’homme qui est toujours prêt à proclamer les droits du peuple, n’est qu’un adroit fripon qui ne crie si haut que dans quelque intérêt personnel ; car le pauvre n’a de refuge que dans une stricte justice. Si l’on s’écarte le moins du monde de la règle, c’est lui qui en pâtit ; le riche, lui, a mille autres moyens d’arriver à ses fins, quand on lui laisse le chemin libre en mettant quelque chose au-dessus du droit.

— Je ne dis pas le contraire ; mais je soutiens que nous ne sommes pas des squatters. Ce n’est pas qu’il en manque dans ces environs, et jusque sur vos terres, à ce qu’on m’a dit.

— Comment, sur mes terres ! j’en suis fâché, car je regarderais comme un devoir de les faire déguerpir. Je sais très-bien que la grande abondance des terres, leur peu de valeur, l’éloignement de la plupart des propriétaires, font fermer davantage les yeux sur ces envahissements ; mais, pour mon compte, je suis déterminé à ne pas les souffrir.

— Eh bien ! vous pourrez commencer par le vieil André, le porte-chaîne. Voilà un squatter de la première classe ! On dit