Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, oui, il est inutile de revenir sur ces détails, reprit Mille-Acres, nous savons ce que nous savons. Ainsi donc, vous fûtes conduit devant un magistrat, n’est-ce pas ? lequel vous envoya en prison ; mais il commença par vous demander ce que vous aviez à dire. C’était de toute justice, et j’agirai de la même manière, comme le veut la loi. Voyons, jeune procureur, qu’avez vous à dire, vous ?

Seul comme je l’étais, au pouvoir de gens qui n’étaient rien moins que scrupuleux en fait de légalité, il me sembla du moins que je ne devais pas laisser planer sur moi des inculpations qui n’étaient point méritées.

— D’abord, permettez-moi de vous faire observer, répondis-je, que vous êtes dans l’erreur sur mon caractère. Je ne vous ai point parlé de procureur, mais de procuration que je tenais de mon père. Je ne suis ni homme de loi ni procureur.

Il me parut que cette déclaration produisait un effet assez sensible sur l’auditoire, et que l’indignation que j’avais excitée se calmait en partie. Je crus même entendre Laviny dire à demi-voix avec une expression de joie : Je savais bien que ce n’était pas un procureur ! Quant à Tobit, son air farouche et menaçant s’adoucit, du moins pour le moment. En un mot, ma situation était évidemment améliorée.

— Ah ! vous n’êtes pas procureur ! s’écria Mille-Acres ; bien vrai ?

— Je vous ai dit que j’étais le fils du général Littlepage et que j’avais sa procuration et celle du colonel Follock qui possèdent ces terres en commun, pour les vendre ou les affermer, et faire toute espèce de transactions en leur nom.

Cette explication me fit perdre autant de terrain que je venais d’en gagner ; mais j’étais bien décidé à ne point trahir la vérité.

— Il avait bien besoin de parler de tout cela ! murmure Laviny.

Un regard sévère de Prudence gourmanda la jeune fille, qui garda le silence.


l