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— Où allez-vous, capitaine ? Avant de s’embarquer, on est bien aise de savoir ou l’on va.

— À Hambourg.

— À Hambourg ! on ne s’en douterait guère. C’est la Manche alors que vous auriez dû prendre, et non pas la mer d’Irlande.

— Je le sais parfaitement ; mais j’ai craint d’entrer dans la Manche avec un si faible équipage. Ces eaux étroites donnent beaucoup de mal, quand on n’est pas en nombre.

— C’est pourtant un excellent endroit pour y trouver des matelots, capitaine. Quoi qu’il en soit, aucun de nous ne se soucie de vous accompagner. Vous, de votre côté, vous n’avez pas besoin de pilote. Ainsi donc, bon voyage.

Et il nous quitta sans plus de façon. Il était à une lieue de nous, et nous allions notre petit train, lorsque je vis qu’il faisait des signaux à la corvette, qui avait laissé porter, et qui avait toutes ses bonnettes dehors. Comme c’était beaucoup plus de toile que nous ne pouvions nous hasarder à en montrer, je pensai que nous étions perdus ; mais je n’en fis pas moins bonne contenance, et je fis de la voile autant que je le pouvais, pour tâcher de l’éviter. La corvette parla au bateau-pilote, et les renseignements qu’elle en tira confirmèrent sans doute ses conjectures, car elle se mit sur-le-champ à notre poursuite.

Elle gagnait sur nous un nœud par heure, mais comme elle était à dix milles derrière nous, il y avait encore quelque espoir que la nuit vînt avant qu’elle nous eût rejoints. Le vent aussi n’était pas stable, et vers midi il faiblit à un tel point que les deux bâtiments n’avançaient plus que de deux ou trois nœuds ; ce qui diminuait en proportion l’avance que la corvette prenait sur nous.

Le vent resta faible jusqu’au coucher du soleil, et alors il s’éleva une bonne brise du nord-ouest, qui nous porta droit au vent de la corvette, alors à six milles de distance. Je commençai à prendre un peu de confiance ; Marbre la partageait, et c’était beaucoup pour moi ; car pour tout ce qui touchait à la marine, j’avais la plus grande déférence pour son opinion.

Vers dix heures, les deux bâtiments avaient les amures à tribord, se dirigeant vers le sud-ouest. La corvette pouvait être à une lieue sous le vent de l’Aurore, et un peu en avant de son travers. C’était pour nous la position la plus favorable, puisque le croiseur avait déjà