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plaudir sous ce titre. Je ne puis expliquer autrement le nombre toujours croissant de tours yankees parmi nous. Entre autres améliorations en fait de goût, sinon de morale, qui pourraient être introduites dans la presse américaine, je signalerai la suppression de ces histoires merveilleuses ; mais comme les deux tiers des éditeurs sont yankees, je présume qu’il faut leur passer la fantaisie de faire valoir l’habileté de leur race. Nous devons à la coterie puritaine la plupart de nos éditeurs, de nos critiques, de nos maîtres d’école ; et quand on observe de sang-froid les progrès prodigieux du peuple sous le rapport de la morale, des vertus publiques et privées, de toutes les qualités estimables en un mot, on doit se réjouir que nos maîtres aient découvert si aisément « une église sans évêque. »

Quoi qu’il en soit, j’eus occasion de reconnaître pendant mon séjour à Londres que la terre de nos pères qui, soit dit en passant, a des archevêques, contient dans son sein autre chose que de la vertu sans alliage. À Gravesend, nous avions pris à bord deux officiers de la douane, — dans le système financier d’Angleterre, on met toujours un fripon pour en surveiller un autre, — et ils restèrent jusque après le déchargement du brig. Un de ces hommes avait été domestique d’une grande maison, et il devait sa place à la protection de son ancien maître. C’étaient l’intégrité et le désintéressement en personne, — en personne de douanier, — comme je le découvris dans la première heure de nos relations. Voyant un garçon de dix-huit ans chargé de la prise, et ignorant que ce garçon avait appris assez bien le latin et le grec avec l’excellent M. Hardinge, sans compter qu’il était l’héritier de Clawbonny, il supposait sans doute qu’il en aurait bon marché. Cet homme se nommait Sweeney. Voyant que je brûlais du désir de tout voir, dès que le brig fut amarré, il me proposa une croisière à terre. Ce fut Sweeney qui me conduisit chez le consignataire, et, cette affaire terminée, il m’offrit de me mener voir Saint-Paul, le Monument, et, quand il eut reconnu que j’avais plus de goût qu’il ne l’avait d’abord supposé, les merveilles du West-End. Il me pilota ainsi pendant près d’une semaine. Après m’avoir montré toutes les curiosités de Londres à l’extérieur, et quelques-unes à l’intérieur, quand j’étais disposé à payer, il descendit dans ses goûts, et me conduisit dans Wapping, au milieu de ses horribles mystères. J’ai toujours pensé que Sweeney me tâtait, et qu’il cherchait ainsi à connaître mes véritables sentiments ; il finit par se trahir en me faisant une proposition qui coupa court à notre liaison. Le résultat néanmoins fut de m’initier à des secrets que probablement je n’aurais jamais appris d’une autre manière ; mais j’avais trop lu et trop en-