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sœurs de goûter un sommeil paisible, et elles se levèrent le lendemain matin fatiguées et presque sans avoir fermé les yeux.

En jetant les yeux à la hâte et avec empressement d’une fenêtre de leur chambre sur toute la vallée, elles n’y virent pourtant que la sérénité qui y régnait ordinairement. La matinée s’ouvrait avec tout l’éclat de ces beaux jours qui accompagnent la chute des feuilles, et dont le grand nombre rend l’automne en Amérique comparable aux saisons les plus délicieuses des autres pays. On n’y connaît pas de printemps ; — la végétation y marche à pas de géant, tandis qu’elle ne fait que ramper sous les mêmes latitudes de l’ancien monde. Mais avec quelle grâce l’été se retire ! septembre, — octobre, — même novembre et décembre, sont des mois délicieux. Quelques orages troublent la sérénité de l’air, mais ils ne sont pas de longue durée, et l’atmosphère reprend bientôt toute sa transparence.

Comme on n’apercevait rien qui parût devoir interrompre les jouissances et l’harmonie d’un si beau jour, les deux sœurs descendirent de leur chambre en se livrant à de nouvelles espérances pour la sûreté de leur frère, et par conséquent pour leur propre bonheur.

Toute la famille se réunit de bon matin pour le déjeuner, et miss Peyton, avec un peu de cette précision minutieuse qui se glisse dans les habitudes des personnes non mariées, déclara en plaisantant que l’absence de son neveu ne changerait rien aux heures régulières qu’elle avait établies. En conséquence, on était déjà à table quand le capitaine arriva ; mais le café, auquel on n’avait pas touché, prouvait assez que personne de la famille ne l’avait oublié.

— Je crois, dit-il en s’asseyant entre ses deux sœurs, et en effleurant de ses lèvres les joues qu’elles lui offraient, que j’ai mieux fait de m’assurer un bon lit et un excellent déjeuner, que de recourir à l’hospitalité de l’illustre corps des Vachers.

— Si vous avez pu dormir, dit Sara, vous avez été plus heureux que Frances et moi. Le moindre bruit que j’entendais me semblait annoncer l’arrivée des rebelles.

— Ma foi dit le capitaine en riant, j’avoue que je n’ai pas été moi-même tout à fait sans inquiétude. — Et vous, ajouta-t-il en se tournant vers Frances évidemment sa favorite, et en lui donnant un petit coup sur la joue, comment avez-vous passé cette nuit ? Avez-vous vu des bannières dans les nuages ? Les sons de