Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’était opéré sur sa physionomie. — Si le capitaine Singleton a une sœur, dit miss Peyton mes nièces et moi nous serons très-charmées de la recevoir.

— Il le faut bien, Madame, on ne peut faire autrement, répondit Danwoodie avec une hésitation qui n’était guère d’accord avec la vivacité qu’il venait de montrer ; ce soir même je l’enverrai chercher par un exprès. Et comme s’il eût voulu changer le sujet de la conversation il s’approcha du capitaine Wharton, et lui dit d’un ton amical :

— Henry Wharton, mon honneur m’est plus cher que la vie, mais je sais que je puis sans danger le confier au vôtre. Je ne vous donne ni gardes ni surveillant, votre parole me suffit. Restez ici jusqu’à ce que nous quittions ces environs, ce qui n’aura lieu probablement que dans quelques jours.

— Je répondrai à votre confiance, Dunwoodie, répondit Henry en lui offrant la main, et son air de froideur disparaissant tout à coup, quand même j’aurais devant mes yeux le gibet auquel votre Washington a fait attacher André.

— Henry, répliqua le major avec chaleur, vous ne connaissez guère l’homme qui est à la tête de nos armées, ou vous ne lui feriez pas un tel reproche. Mais mon devoir m’appelle. Adieu ; je vous laisse où je voudrais pouvoir rester moi-même, où vous ne pouvez être tout à fait malheureux.

En passant près de Frances, il jeta sur elle un regard d’affection qui lui fit oublier l’impression qu’elle avait éprouvée en le revoyant après le combat.

Le colonel Singleton était du nombre de ces vétérans que les circonstances avaient obligés à renoncer au repos convenable à leur âge pour se dévouer au service de leur patrie. Il était né en Géorgie, et dès sa première jeunesse il avait suivi la profession des armes. Lorsque la lutte pour la liberté avait commencé, il avait offert ses services à son pays, et le respect qu’inspirait sa réputation les avait fait accepter. Mais son âge et sa santé ne permettant pas qu’il fût chargé d’un service actif, on lui avait donné successivement différentes places de confiance dans lesquelles sa patrie pouvait profiter de sa vigilance et de sa fidélité, sans qu’il en résultat aucun inconvénient pour lui-même. Depuis un an, il était chargé de garder les défilés des montagnes, et il était alors avec sa fille à une petite journée de marche de la vallée dans laquelle se trouvait Dunwoodie. Elle était sa fille unique, et il