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OU LE TUEUR DE DAIMS.

costume sous lequel elle arrivait. Elle avait quitté la parure simple mais élégante qu’elle portait habituellement, pour se revêtir de la riche robe de brocard dont il a déjà été parlé, et qui avait une fois produit en elle un effet presque magique. Ce n’était pas assez. Accoutumée à voir les dames des forts décorées de tous leurs atours, elle avait complété sa mise de manière à n’en négliger aucun détail, et à ne laisser apercevoir aucun manque de goût, même à ceux qui auraient été initiés dans tous les mystères de la toilette des dames. Sa tête, ses pieds, ses bras, ses mains, son buste, sa draperie, tout était en harmonie ; et le but qu’elle se proposait, et qui était d’imposer aux sens de sauvages ignorants en leur faisant croire qu’ils voyaient en elle une femme de haut rang et d’importance, aurait pu être atteint même devant des gens habitués à distinguer entre les personnes. Indépendamment de sa beauté et de ses grâces naturelles, Judith tenait de sa mère des manières élégantes et distinguées, de sorte que son brillant costume n’aurait pu être porté avec plus d’avantage. Étalée dans une capitale, cette parure splendide aurait pu être essayée par mille femmes avant qu’il s’en trouvât une seule qui pût y faire autant d’honneur que la belle créature dont elle servait alors à décorer la personne.

Elle n’avait pas mal calculé l’effet que produirait son apparition. Du moment qu’elle se montra dans le cercle, Judith se trouva, jusqu’à un certain point, indemnisée des risques effrayants qu’elle courait en voyant la sensation non équivoque de surprise et d’admiration qu’elle produisait. Les vieux guerriers à figure rébarbative firent entendre leur exclamation favorite Hugh ! et elle fit une impression encore plus sensible sur les jeunes gens. Les femmes mêmes laissèrent échapper des exclamations de plaisir. Il était rare que ces enfants de la forêt vissent une femme blanche élevée au-dessus des derniers rangs de la société, et quant au costume, jamais pareille splendeur n’avait brillé à leurs yeux. Les plus beaux uniformes français ou anglais n’étaient rien, comparés au lustre du brocard, et tandis que la rare beauté de Judith ajoutait à l’effet produit par sa parure, cette parure ornait sa beauté de manière à surpasser ses espérances. Deerslayer lui-même parut au comble de la surprise, tant de l’éclat qu’il voyait dans la personne et dans la mise de Judith, que de l’indifférence qu’elle montrait pour les dangers qu’elle avait bravés par suite de la démarche qu’elle venait de faire. Chacun attendit qu’elle expliquât le motif de sa visite, motif qui semblait à la plupart des spectateurs aussi inexplicable que son apparition.